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Thomas Coutrot. « Logique irresponsable »

le 28 novembre 2014

Thomas Coutrot. « Logique irresponsable »

L’économiste et militant d’Attac critique sévèrement le modèle « capitaliste et productiviste » suivi par toute l’Europe sous la houlette du couple franco-allemand.

« New deal » ou pas « New deal », l’analyste et statisticien Thomas Coutrot, membre de l’association des « Économistes atterrés », ne se fait aucune illusion sur les propositions venant du couple franco-allemand en matière « d’innovation » économique. Au contraire, l’économiste altermondialiste fustige la fuite en avant des deux pays pour un modèle qui, selon lui, n’a pas d’avenir.

La Marseillaise. Avec le rapport commandé aux économistes Jean Pisani-Ferry et Henrik Enderlein, l’Allemagne et la France s’apprêtent à jouer un nouveau numéro de duettistes à la tête de l’économie continentale. Comment voyez vous la proposition de « New deal » ?

Thomas Coutrot. On est toujours dans l’idée que l’Allemagne a basé sa croissance non pas sur le marché intérieur mais sur les exportations et que par conséquent il faudrait faire comme elle. Le problème est par définition absurde. Parce que si tous les pays font la même chose, personne ne gagne. L’Allemagne a effectivement basé sa croissance sur les exportations. Mais ça ne pouvait se faire qu’au détriment de l’Espagne, la Grèce, la France… qui elles avaient encore un marché intérieur. Or on voit bien que le modèle d’exportation allemand est arrivé à bout de souffle puisque ses partenaires européens sont exsangues et que par conséquent ce système est périmé. Malgré ça, on nous propose de continuer à faire comme les Allemands. On est vraiment dans une logique absurde, où personne ne peut gagner comme ça. Plus on rentrera dans ce jeu, plus on entrera dans une économie de récession. Pour essayer de gagner des parts de marché sur des partenaires qui eux-mêmes sont confrontés à de grandes difficultés.

La Marseillaise. Cela dit, la France semble dans l’incapacité de proposer une autre voie que celle imposée par l’Allemagne…

Thomas Coutrot. Penser que le gouvernement français aurait eu l’idée d’adopter une autre ligne économique que l’Allemagne et que l’Allemagne l’en empêche est une erreur d’interprétation de la réalité. Le gouvernement français n’a jamais eu l’intention de faire autre chose que ce qu’il fait. On l’a bien vu en ce qui concerne la taxe sur les transactions financières. Un projet qui était porté par l’Allemagne et la Commission et que la France a rejeté ! Les promesses de renégociation du traité européen qui avaient été faites en campagne électorale [par François Hollande, ndlr] et qui ont été immédiatement abandonnées après son élection n’étaient là que pour l’aider à séduire l’électorat de gauche…

La Marseillaise. Justement, qu’un gouvernement de gauche reste dans ce schéma économique n’est-il pas surprenant ?

Thomas Coutrot. On est en train de s’enfoncer dans la crise et dans l’agonie d’un modèle de développement capitaliste et productiviste qui n’a plus aucun projet hormis celui de la guerre économique. Une guerre économique sans issue qui ne peut qu’être destructrice pour la démocratie et finalement pour la paix. Au plan international, on est dans une logique irresponsable. Le fait que ce soit un gouvernement de gauche qui accélère cette course à la catastrophe est particulièrement terrible pour ceux qui ont un espoir d’alternative. C’est là que les forces sociales, écologiques et démocratiques ont une responsabilité considérable. Pour remobiliser la société autour d’un imaginaire qui serait différent. Loin des obsessions de la croissance et de la compétitivité. Mais avec l’ambition de la qualité du travail et de la qualité de l’emploi et de la solidarité.

Entretien réalisé par Claude Gauthier (La Marseillaise, le 28 novembre 2014)

Gilles Vandepooten. « De l’indignation à l’action »

le 27 novembre 2014

Gilles Vandepooten. « De l’indignation à l’action »

Coauteur avec Stéphane Hessel de « Engagez-vous ».

Gilles Vanderpooten  journaliste investi dans l’association Reporters d’espoirs participait hier à un débat organisé par l’association Résister aujourd’hui sur le thème « on démantèle le programme du Conseil National de la Résistance, jusqu’où êtes-vous prêts à vous soumettre ? », aux côtés de Christiane Hessel, Gérard Filoche et Catherine Lecoq notamment. De son dialogue avec Stéphane Hessel était né "Engagez-vous", un véritable succès de librairie publié dans la collection Conversations pour l’avenir des éditions de l’Aube.

La Marseillaise. Depuis la parution de votre livre d’entretiens avec Stéphane Hessel en 2011, un espoir de changement à gauche a été déçu et la résignation s’installe. Quel regard portez-vous sur la situation politique ?

Gilles Vandepooten. Engagez-vous a été publié après Indignez-vous mais écrit avant. L’idée était de chercher des éléments de réponse pour une jeunesse promise à un avenir sombre, marqué par le chômage, la crise climatique… La désaffection à l’égard de l’action politique était déjà présente même si le climat de défiance s’est généralisé depuis. Je crois beaucoup à l’action associative, et à l’échelon local. Dans la crise politique actuelle ce sont d’ailleurs les maires qui suscitent la plus grande confiance. Le pessimisme gagne du terrain, c’est une réalité liée aux problèmes économiques, sociaux et environnementaux que nous ressentons tous. Parfois, nous journalistes, sommes accusés d’alimenter ce climat anxiogène.

La Marseillaise. C’est contre cette idée que vous agissez avec l’association Reporters d’espoir ?

Gilles Vandepooten. Cette association est née il y a dix ans d’un constat fait sur le terrain par plusieurs confrères : même dans les pays les plus pauvres qui sont confrontés à des problèmes d’éducation, de désertification, d’alimentation… Il y a toujours des gens qui se retroussent les manches, qui se mobilisent et vont de l’avant. Pourquoi n’en parle-t-on pas davantage ? On nous a critiqué au début sur le thème « ce n’est pas de l’info, c’est de la bonne nouvelle ». Pas du tout, il s’agit de faire le constat des problèmes et d’aller au-delà en mettant en lumière ceux qui apportent des réponses. On parle parfois de « journalisme de solution », c’est du journalisme tout court ! L’écrivain Alexandre Jardin dit qu’il faut moins de « diseux » et plus de « faiseux ». Je suis assez d’accord.

La Marseillaise. Qu’est ce que signifie pour vous l’esprit de Résistance aujourd’hui ? Que répondez-vous à ceux qui l’assimilent à du conservatisme ?

Gilles Vandepooten. Je pense que l’esprit de Résistance se retrouve dans l’esprit d’indignation, dans le formidable mouvement des indignés qui s’est levé en Espagne notamment. Il a fédéré des causes très diverses mais sur une ligne assez claire : le refus du néolibéralisme. En France, c’est le refus de la remise en cause de notre modèle social, le refus des propos de l’ancien Vice-Président du Medef qui exigeait de défaire méthodiquement l’héritage du Conseil National de la Résistance (CNR). C’est l’indignation face aux gaspillages de la finance, la résistance à ce que la co-fondatrice d’Attac Susan George appelle la « classe de Davos ». Elle nous explique qu’il n’y a pas d’alternative et que le néolibéralisme, les privatisations, les déréglementations sont la seule issue. Quant aux conservatismes, il en existe partout. On a beaucoup fait le reproche aux indignés d’être dans la lamentation et de se mobiliser surtout sur la préservation des acquis sociaux. Mais dans ce mouvement, beaucoup sont passés de l’indignation à l’action. Ils ont multiplié les initiatives, lancé des coopératives, des monnaies locales. Ils ont fait preuve d’innovation et ont inventé des choses nouvelles.

La Marseillaise. La montée de l’extrême droite, qui rappelle pour de nombreux observateurs celle des années 1930, appelle-t-elle un renouveau de l’esprit de Résistance ?

Gilles Vandepooten. La crise d’aujourd’hui est profonde mais si elle s’étend encore davantage, qu’elle touche la classe moyenne qui ne la vit pas encore pleinement, le résultat peut être violent. La Résistance ne peut pas se reconstituer à l’identique. Dans mes échanges avec Stéphane Hessel, il soulignait un paramètre nouveau : l’écologie. Le mot « terre » est absent du programme du CNR. La question du climat qui engendre des problèmes économiques et sociaux, qui promet de pousser des millions de personnes à la migration, doit être intégrée. Je constate que malgré le pessimisme ambiant de plus en plus de gens passent à l’action, c’est là mon espoir.

Propos recueillis par (La Marseillaise, le 27 novembre 2014)

Bernard Botiveau. « Quelque part un progrès »

le 27 novembre 2014

Bernard Botiveau. « Quelque part un progrès »

Le chercheur spécialiste du monde arabo-musulman estime que la France, qui a perdu en crédibilité auprès du monde arabe, a une chance de rachat par le vote de ses parlementaires.

Bernard Botiveau est directeur de recherche émérite au CNRS (IREMAM, Marseille Aix). Spécialiste des changements politiques en Palestine, il commente pour la Marseillaise l'éventuelle portée, dans le monde arabe, d'un vote pour la reconnaissance de l'État palestinien par l'Assemblée.

La Marseillaise. Comment un vote favorable à la reconnaissance de l’État palestinien à l’Assemblée serait reçu la semaine prochaine dans le monde arabe ?

Bernard Botiveau. Ce vote est intéressant pour le monde arabe et même plus généralement pour le monde musulman. C’est particulièrement important dans le monde arabe parce que la position de refus de reconnaissance de l'État palestinien, depuis très, très longtemps, y est mal perçue. Même si la France a tenu des positions dans le passé qui sont favorables aux Palestiniens.

La Marseillaise. Vous voulez dire qu’elle était mieux perçue qu’aujourd’hui ?

Bernard Botiveau. Paradoxalement c’est plutôt sous les gouvernements de droite que sous la gauche que la politique française s’est révélée positive pour les Palestiniens. Je pense à la droite gaulliste. On se souvient de Chirac qui était venu sur place, qui s’était engagé -on va dire physiquement- dans cette bousculade à Jérusalem. J’étais en Palestine à l’époque où j’enseignais à l’université. Lors de cette visite, je me souviens très bien que la presse palestinienne avait affiché le drapeau français pendant une semaine tous les jours à la première page. Les gens étaient enthousiasmés parce que c’était un soulagement. Aujourd’hui, la France a une position assez ambiguë au niveau diplomatique. Pour ce qui est de la Palestine, elle est à la fois sinon alignée sur les États-Unis en tout cas beaucoup plus dépendante de l’Amérique que ne l’était la France à l’époque du Président Chirac… De plus la France est un pays d’Europe et les pays arabes ont toujours l’impression que l’Europe c’est deux poids deux mesures. C’est à dire qu’on reconnaît tout à Israël et rien à l’autorité palestinienne.

La Marseillaise. Mais le vote des parlementaires français constituerait quand même une avancée ?

Bernard Botiveau. La vie quotidienne est tellement difficile, entre les contrôles, les crises comme l’an dernier à Gaza… que des gestes comme cela (en faveur de la reconnaissance de la Palestine) ça soulage ! Et de toutes les façons en Palestine, les gens sont soulagés lorsque ça progresse. Il ne faut pas oublier qu’il y a déjà eu la Suède, l’Espagne, l’Angleterre… qui sont allés dans ce sens. En fait toute l’Europe progresse sur ce chemin et ce sera très bien perçu en Palestine. Pour les autres pays arabes c’est plus compliqué. Il faut tenir compte du fait que le monde arabe, actuellement au Proche Orient, est quand même extrêmement perturbé et divisé.  En Égypte, le gouvernement soutien toute initiative allant dans le sens de la reconnaissance palestinienne. Mais ça n’a pas beaucoup d’impact parce que la préoccupation des Égyptiens est plutôt centrée sur leur vie interne et leurs divisions. Mais oui, en gros le monde arabe verra le vote en France comme une chose positive.

La Marseillaise. A vous entendre, il semble quand même que la diplomatie française engendre pas mal de méfiance…

Bernard Botiveau. Peut-être mais je crois que la France, en ce moment, est en train d'adopter une attitude qui la rapproche plus de la position européenne que de la position américaine. Lorsque le Hamas avait gagné les dernières élections palestiniennes en 2006, il y avait eu des observateurs en nombre important, de l’Union européenne, et qui avaient validé cette élection. D’ailleurs les Palestiniens avaient été furieux parce que tout de suite après, l’UE avait sinon invalidé les élections -ce n’est pas le mot- mais avait aussitôt mis fin à ses financements du seul fait que le Hamas avait gagné ! D’un côté on avait dit « ce sont des élections parfaitement régulières », de l’autre on a coupé les crédits juste après… Cela dit on n’est plus dans cette époque-là. Désormais, l’Union européenne, certes dans le désordre, procède à ce qui ressemble tout de même à une démarche collective et qui, je crois, change la politique de l’UE en la matière. Ce changement de cap de la diplomatie européenne est sensible si on considère les choses sur une décennie. Et on évolue clairement vers une reconnaissance de l’État palestinien. Pour des raisons très diverses à mon avis, mais qui ont un point commun, à savoir la conscience d’un vrai danger d’explosion et au vu que le contexte régional est devenu particulièrement menaçant avec Daesh et tout ce que l’on sait du conflit Syrien. Disons que la France se rapproche de ça. Mais on n'a pas encore entendu de discours tonitruant contre la colonisation (israélienne), par exemple. Alors que la communauté européenne condamne officiellement la colonisation. Tous les ans, un rapport des consuls européens a Jérusalem fait état de la colonisation, de ses avancées, etc. Mais en France ça ne va pas très loin. Et quand Israël annonce de nouvelles implantations autour de Jérusalem, on proteste un peu en France mais ça ne va pas jusqu’au rappel de l’ambassadeur. On ne va jamais au clash. Que la France retrouve son caractère européen est positif et en ce sens, le vote à l’Assemblée est un progrès, quelque part…

Entretien réalisé par Claude Gauthier (La Marseillaise, le 27 novembre 2014)

Charles Silvestre. « Pour donner confiance à ceux qui s’engagent »

le 24 novembre 2014

Charles Silvestre. « Pour donner confiance à ceux qui s’engagent »

Journaliste, ancien rédacteur en chef de L’Humanité, il effectue actuellement une série de conférences pour présenter sa vision d’un Jaurès éclaireur du XXè siècle.

Charles Silvestre était en Cévennes ce week-end, il a donné une conférence samedi à l’occasion des journées autour du livre et de la lecture organisées comme chaque année dans le village de Cendras (Gard). Charles Silvestre est journaliste, ancien rédacteur en chef de L’Humanité et secrétaire national de la société des Amis de L’Humanité. Il a publié en 2010 Jaurès, la passion du journaliste (ed. Le Temps des Cerises) et en 2013 La Victoire de Jaurès (ed. Privat).

Sa conférence intitulée « Jaurès aujourd’hui » portait notamment sur ce dernier ouvrage. Cette victoire de Jaurès dont parle Charles Silvestre, c’est « celle de sa clairvoyance coloniale, de son courage dans l’affaire Dreyfus, de sa sagesse dans la séparation des Églises et de l’État, de son anticipation des réformes sociales. C’est aussi celle de sa culture, de sa sensibilité, de sa bonté ».

De la guerre du Rif à Marius et Jeannette (le film de Guédiguian) en passant par les « Fralibiens » de Gémenos, Charles Silvestre met au jour l’héritage de Jaurès, comme on suit un filon. Dans son ouvrage on peut lire que « Jaurès inaugure ce que le XXe siècle a opposé de meilleur face au pire. Il n’est pas un modèle mais un éclaireur, qui a laissé derrière lui des traces pour nous guider ».

Nous avons voulu en savoir un peu plus et Charles Silvestre a gentiment accepté de répondre à nos questions.

La Marseillaise. Ce livre, vous le dédiez à votre père, militaire de carrière. Malgré l'agacement que l’on sent dès les premières lignes vis-à-vis des commémorations, il s'inscrit dans le centenaire de la guerre de 14-18, mais votre intérêt pour Jaurès est plus ancien. C’est parce qu’il a fondé l’Humanité, dont vous avez été rédacteur en chef ?

Charles Silvestre. Ce n’est pas le centenaire qui est à l’origine du livre. Mon intérêt pour Jaurès remonte à bien avant. Bien sûr, le fait que j’ai été longtemps journaliste, et plus particulièrement rédacteur en chef, à l’Humanité, le journal qu’il a fondé le 18 avril 1904, a compté. D’ailleurs mon premier livre, à ce sujet, porte sur le Jaurès journaliste qui m’a littéralement époustouflé. Pour deux raisons, l’ampleur de ses articles -il a écrit sur tout- et sa capacité de réaction et de modification de son point de vue à la lumière des faits. Jaurès est un investigateur, un contre-enquêteur, d’une étonnante modernité. Mais le Jaurès qui m’occupe aujourd’hui, c’est le Jaurès clairvoyant, véritable éclaireur du XXe siècle, un siècle de tumultes, et qui nous « parle » encore aujourd’hui. Je n’assimile pas ce qui s’est passé il y a un siècle et aujourd’hui. Mais Jaurès est très précieux pour tenter de répondre à des questions capitales. Par exemple celle-ci - à laquelle les responsables officiels du centenaire et les gouvernants se gardent de répondre- : qui est coupable du massacre insensé qu’a été la guerre de 1914-1918 ? La meilleure explication est dans les analyses de Jaurès lui-même avant son assassinat le 31 juillet 1914. L’alerte porte sur les tensions entre les systèmes d’alliances. Or, cette situation dangereuse de blocs face-à-face, nous en avons une aujourd’hui en Ukraine avec l’Otan aux portes de la Russie, et le regain de volonté de puissance de celle-ci.

La Marseillaise. La victoire de Jaurès, est-ce ce qui reste aujourd’hui de lui, sans que nous en ayons conscience ? Est-ce la durée ?

Charles Silvestre. Dans une certaine mesure, oui. Il y a chez beaucoup de gens, et pas seulement en France, une trace de Jaurès qui dépasse sa connaissance. Jaurès est ce que l’on appelle un inconnu célèbre. Son nom est partout : rues, boulevards, places, écoles, lycées, centres culturels, etc. mais rares, même dans les lieux cités, sont ceux qui en connaissent vraiment le parcours et l’œuvre. Le Jaurès dont on se fait une idée, vague le cas échéant, est une figure de respect, de paix, de bonté, de générosité, d’altruisme, qui tranche donc avec l’image plus ou moins justifiée que l’on a des politiques aujourd’hui. Mon travail, si je puis dire, ce n’est pas de cultiver cette image, de célébrer l’icône. C’est d’aider à découvrir celui qu’a été réellement Jaurès, sa vie, sa pensée, ses combats, le pourquoi de son passage, lui simple républicain, au socialisme lors de l’insurrection ouvrière de Carmaux, en 1892, sa défense tardive mais décisive du capitaine Dreyfus à partir de 1898, son rôle capital dans la Séparation des Églises et de l’État en 1905, son retournement contre la colonisation en 1908. Or cette clairvoyance qui s’est construite, non par miracle, mais sur la durée, est, à mes yeux ce qui peut inspirer tout citoyen aujourd’hui, ce qui peut donner confiance à ceux qui s’engagent dans des causes, aux militants qu’il admirait, à ceux des élus qui revalorisent la politique. Jaurès a eu cette formule remarquable : « L’histoire nous enseigne la difficulté des grandes tâches, la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l’invincible espoir. »

La Marseillaise. Chaque époque a sa propre interprétation du passée et l’histoire est sans cesse réécrite. En 2014, on convoque Jaurès à l’occasion du centenaire de la guerre de 14-18 pour dire la bêtise de cette boucherie qui aurait pu être évitée. N’est-ce pas plus facile et consensuel que de rappeler, comme vous le faites ce que la laïcité en France lui doit ? Pourquoi a-t-on tant de mal aujourd’hui avec la laïcité ?

Charles Silvestre. Je pense que la séparation de la religion et de la politique est une colonne vertébrale de notre histoire, que beaucoup de pays peuvent nous envier. Les Français, dans leur majorité, y tiennent manifestement. Autre chose est la manipulation de circonstance, politicienne, telle qu’elle se manifeste à propos du Mariage pour tous, ou comme refuge chez des gens désespérés qui croient trouver un salut dans le mysticisme, voire le fanatisme. Il faut la distinguer de ces croyances que Jaurès a toujours respectées.

La Marseillaise. Quel profil pourrait avoir un Jaurès d’aujourd’hui ? Serait-il dans le monde politique, dans le monde associatif, auprès des « zadistes » ?

Charles Silvestre. J’ai du mal à identifier un profil de Jaurès dans le monde d’aujourd’hui. En revanche, si l’on estime qu’il a été porté par les grands élans de son époque, la république renaissante, le syndicalisme montant en puissance, le socialisme en construction, la culture florissante, on peut retrouver un progressisme, un élan, dans des aspirations, des actes, dans une audace de notre temps, dont Jaurès peut être un anticipateur. Dans la zone de diffusion de La Marseillaise, un nom en témoigne : Fralib. L’histoire des travailleurs de Gémenos, c’est du pur Jaurès. J’en ai fait sciemment le titre d’un chapitre de mon livre.

Propos recueillis par Isabelle Jouve (La Marseillaise, le 24 novembre 2014)

Thomas Coutrot. « La RTT est largement créatrice d’emploi »

le 21 novembre 2014

Thomas Coutrot. « La RTT est largement créatrice d’emploi »

L’économiste et statisticien altermondialiste affirme que la réduction du temps de travail (RTT), associée à « une économie de qualité », peut venir à bout du chômage.

Thomas Coutrot, économiste et statisticien, militant alter-mondialiste, membre de l’association des économistes atterrés, est aussi co-Président d’Attac et porte-parole de la Fondation Copernic. Il dit -avec beaucoup d’autres- que la réduction du temps de travail est une source incontournable de création d’emplois.

La Marseillaise. Dans le discours politique ambiant, la réduction du temps de travail est souvent décrite comme un frein à la relance voire comme une explication à la stagnation de l’emploi. N’est-ce pas aller un peu vite en besogne ?

Thomas Coutrot. On nous dit souvent que la seule manière de créer de l’emploi, c’est la croissance. En réalité à long terme c’est totalement faux. A long terme, on sait très bien, et tous les macro-économistes le savent, que la croissance économique résulte très largement des gains de productivité et que lorsqu’il y a une forte croissance économique, il y a de forts gains de productivité. De ce fait la croissance ne crée pas d’emploi à long terme. Ce qui permet la création d’emploi à long terme, ça a été le mouvement historique de réduction du temps de travail depuis le XIXe siècle avec l’abaissement de la durée hebdomadaire, les congés payés etc. C’est attesté : la croissance évoluant avec la productivité n’est pas à long terme créatrice d’emploi. Ensuite, à court terme, il est vrai que lorsqu’il y a récession, ça détruit des emplois et que la reprise crée des emplois. Mais il s’agit d’un effet valable sur un cycle économique, à court ou moyen terme, qui s’efface complètement quand on prend une perspective de long terme. A long terme je le répète, en dehors de l’extension du salariat, du fait notamment qu’il y a de plus en plus de femmes au marché du travail et à l’activité économique, ce qui stimule la création d’emploi salarié, la seule source c’est la réduction du temps de travail. Si aujourd’hui on est totalement focalisé sur l’idée qu’il faut de la croissance pour créer de l’emploi, on est dans le contresens.

La Marseillaise. Pourtant en France, « pays des 35 heures », certains continuent de prôner le retour en arrière…

Thomas Coutrot. Les études d’évaluation de l’impact des 35 heures menées par l’administration et le ministère du Travail ont montré -je parle des chiffres officiels- que l’on pouvait associer la création de 350.000 emplois au passage aux 35 heures. C’est très en dessous du potentiel qui avait été évalué a priori par différents économistes, mais en tout cas ça n’a pas du tout débouché sur des destructions d’emplois, contrairement à ce que la droite continue à proclamer en dépit des évidences. Maintenant, ce que je trouve très frappant dans cette histoire, c’est que les patrons « réels », les chefs d’entreprise… ne sont pas demandeurs d’une remise en cause des 35 heures. Quand les gouvernements passent des lois leur permettant de remettre en cause les accords d’entreprise sur la durée du travail, ils ne le font pas. Le bilan, les conclusions autour de toutes les lois d’assouplissement des 35 heures menées depuis les gouvernements Fillon ou Villepin sont toujours les mêmes : on ouvre des possibilités aux entreprises de remettre en cause de plus en plus facilement les accords sur la durée du travail et elles ne le font pas ! Elles ne voient pas l’intérêt de le faire. Parce que les 35 heures ont été l’occasion de réorganisations qui ont permis des gains de productivité et qui ont abouti à des compromis sociaux. Négociés dans les entreprises et que les employeurs n’ont pas envie de remettre en cause parce qu’ils s’en satisfont très bien. Cette obsession de la remise en cause des 35 heures n’est pas une obsession de la base du patronat, mais elle est celle du Medef. C’est ainsi depuis 98 : ses idéologues n’ont jamais cessé de demander l’abrogation de la loi. Parce qu’avec la création de la Couverture maladie universelle (CMU), elle est la seule décision de politique économique qui ne va pas dans le sens du néolibéralisme. C’est à dire la réduction du coût du travail, la flexibilisation, la réduction des contraintes pesant sur les entreprises et l’accroissement des marges des entreprises. C’est la seule réforme importante de politique économique qui contrevienne à la doxa néolibérale depuis 20 ans. C’est ce qui reste dans le gosier du patronat et qui implique qu’il bataillera jusqu’à ce que ce soit remis en cause. Simplement parce que pour lui ce serait une victoire symbolique extrêmement importante. Pour montrer que cette mesure hétérodoxe était une aberration et qu’il n’y a plus de légitimité à penser hors du cadre de l’orthodoxie néolibérale et du culte de la compétitivité. Mais le paradoxe reste que ça n’intéresse pas les entreprises elles-mêmes !

La Marseillaise. Réduire encore le temps de travail serait donc une bonne piste économique ?

Thomas Coutrot. Il y a deux pistes qui sont indissociables : d’une part la transition énergétique avec la montée d’une économie tournée vers la qualité des produits et des procédés de production. Une économie tournée vers la qualité, au détriment de l’intensité capitalistique, serait très largement créatrice d’emploi. C’est une piste absolument essentielle. Et la deuxième piste c’est d’évidence la réduction du temps de travail. En combinant une économie de la qualité et une réduction du temps de travail, on pourrait venir à bout du chômage en quelques années et engager vraiment une transition écologique et énergétique vers une économie durable.

Entretien réalisé par Claude Gauthier (La Marseillaise, le 21 novembre 2014)

Presse. Pour un large accès au patrimoine de la Résistance

le 16 novembre 2014

Presse. Pour un large accès au patrimoine de la Résistance

A l'occasion des 70 ans de la Libération, la Bibliothèque nationale de France organise une journée d'étude le 28 novembre pour présenter l'opération de numérisation de journaux clandestins.

A l'occasion du 70e anniversaire de la Libération, la Bibliothèque nationale de France (BnF) organise le 28 novembre prochain une grande initiative intitulée « Mensuel malgré la Gestapo et la Milice : relire les journaux de la Résistance après leur numérisation. Nouveaux usages et nouvelles perspectives ».

L'opération vise à promouvoir la numérisation de fonds de différentes structures qui regorgeaient parfois d'immenses archives mais difficiles d'accès. La numérisation concerne les collections de la BnF ainsi que celles du Musée de la Résistance nationale (MRN). Celles de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC) le seront en 2015. Une page spécifique sera en outre consacrée à ces journaux dans le réseau Gallica, fédérant pour la première fois ces collections en une collection numérique unifiée.

« Ces titres pouvaient être quelquefois présents en ligne mais leur accès était difficile » explique Philippe Mezzasalma, conservateur et chef du service de la presse à la BnF. « Désormais, tout sera plus simple ».

Un outil à disposition des chercheurs et des particuliers

La demande était forte de la part des chercheurs. En outre, la disponibilité de ces fonds à un plus large public sera aussi l'occasion d'assurer « le temps des historiens maintenant qu'il y a de moins en moins de témoins vivants » ajoute Philippe Mezzasalma. « Il était temps que, d'un point de vue patrimonial, ces documents soient mis à disposition de tous et non plus de manière limitée comme c'était le cas jusque-là ».

La numérisation rendra ces journaux « disponibles à tous les citoyens et fera cohabiter passionnés et chercheurs, particuliers et scientifiques ».

La journée d'étude réunira de nombreux historiens et professionnels de la conservation de documentation. « Un volet strictement historique reviendra sur le rôle de la Résistance et la mémoire à travers l'intervention d'anciens résistants notamment ». Il s'agira également de se pencher sur la plus-value d'une telle numérisation et une « éventuelle relecture historique autre que l'utilisation faite par des chercheurs » qui souvent -par temps et patience- étaient les rares à pouvoir accéder à des documents qui seront prochainement accessibles au plus grand nombre.

Le patrimoine est de taille. « Environ 800 journaux ont été publiés pendant la Seconde guerre par la Résistance et ils sont à présent souvent considérés comme des documents uniques ». Feuille de chou tirée à la ronéo, sous presse… La plupart du temps, les Résistants confectionnaient leurs journaux dans des conditions d'extrême dangerosité. D'où l'enjeu de contribuer à la sauvegarde de titres dont la collecte avait parfois débuté dès les premiers mois après la Libération en aôut 44.

La nouvelle numérisation permettra également un accès aux titres par région. « Le rayonnement local de ces petites feuilles intéressent les différents publics » assure Philippe Mezzasalma. « Ils ne viendront pas comme viennent des scientifiques, mais plutôt en se demandant: qu'est-ce qui a été publié dans ma région ? ».

Dans le Sud-est, les Bouches-du-Rhône et le Var sont bien représentés à travers des publications du Parti communiste et du Mouvement national de Libération, entre autres. Un classement par corporation ou syndicats est également perceptible.

Sébastien Madau  (La Marseillaise, le 16 novembre 2014)

Vendredi 28 novembre 2014 à la Bibliothèque nationale de France, Paris. Avec notamment Marie-Cécile Boujut, Jean-Marie Guillon, Antoine Spire, Roger Grenier, Jacqueline Fleury, George Séguy, Jean-Louis Crémieux-Brihlac, Anne Renoult, département de réserve des livres rares et Philippe Mezzasalma, Bruno Leroux, Guy Krivopissko, Antoine Prost, Professeur émérite à l’université Paris I. La projection du film « Défense de la France », de Joëlle Effenterre. aura lieu à 16h30. Infos : http://www.bnf.fr.

Une expo sur les 70 ans de la Marseillaise

A l'occasion des 70 ans de la Marseillaise et de la Libération de Marseille, la Maison de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur accueille dans ses locaux de la Canebière du 18 au 29 novembre deux grandes expositions réalisées par l'amicale du groupe Marat, association créée par des résistants FTP-MOI ayant participé à la Libération de Marseille et dont l'esprit est aujourd'hui perpétué par des historiens et passionnés du devoir de mémoire. L’historien Grégoire Georges-Picot est le commissaire du dispositif et Caroline Fellowes la scénographe. L'exposition « Une naissance clandestine » portera sur la création de la Marseillaise à travers des Unes d'époque, des témoignages, des photographies, etc.

L'autre exposition s'intitulera, elle, « Nos libérateurs » et reviendra sur l'engagement des soldats de l'empire colonial dans l'effort de libération de la France.

Le lancement s'effectuera le mardi 18 novembre avec à 19h une projection du film de Grégoire Georges-Picot sur la Libération de Marseille. L'inauguration officielle du dispositif aura quant à elle lieu le jeudi 20 novembre à 16h en présence de Michel Vauzelle, Président de la Région Provence-Alpes Côte d'Azur.

La Marseillaise, le 16 novembre 2014

D'autres informations sur www.lamarseillaise.fr (page spéciale des 70 ans)  www.groupemarat.com et www.regionpaca.fr.

Repères

1944. A la Libération, les journaux officiels ayant obtenu des autorisations de publier de la part de l'Occupant ou de Vichy ont été interdits par le nouveau gouvernement issu du Conseil national de la Résistance. De nombreux titres -dont notre journal la Marseillaise- qui avaient, eux, publié dans la clandestinité ont pu obtenir une légalisation.

Format et papier. Les formats des journaux clandestins étaient souvent choisis selon le matériel à disposition. Par exemple, les douze numéros clandestins de la Marseillaise ont été imprimés sur un format type A4. C'est lorsque le journal a pris possession de l'imprimerie du vichyste Petit Marseillais en août 44 que la Marseillaise est sortie en berlinois. Format qu'elle a conservé jusque dans les années 80 et son passage en tabloïd.

Pierre Stambul. Dès son origine, une théorie de la séparation

le 11 novembre 2014

Pierre Stambul. Dès son origine, une théorie de la séparation

Le militant de l’UJFP a écrit « Le sionisme en questions » qui vise une critique centrale de ce projet.

Pierre Stambul, co-Président de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP), vient de publier son dernier livre Le sionisme en questions(*). Une sorte de « Que sais-je » qui pourrait s’appeler « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sionisme sans jamais oser le demander ». Il donnait une conférence, hier soir, au Manifesten et le 10 octobre à la librairie Transit.

L’idée est de questionner pourquoi il n’y a pas de paix, pourquoi Oslo a échoué, pourquoi ce qui a été possible en Afrique du Sud n’est pas possible dans cet autre partie du monde, pourquoi la colonisation est devenue le centre de la politique israélienne ? Pour l’infatigable militant, le sionisme est une réponse terrible à l’antisémitisme parce que c’est une théorie de la séparation, selon laquelle Juifs et non-juifs ne peuvent pas vivre ensemble ni dans le pays d’origine ni au Proche-Orient.

Il n’y a pas un peuple unique juif

Sur le nationalisme. L’auteur démontre que le sionisme a inventé le peuple, la langue et la terre. Mondialement, il y a des communautés juives mais pas un peuple unique et des langues juives : le ladino, le yiddish, le judéo-arabe, l’hébreu étant uniquement la langue religieuse. La terre Palestine : un juif laïque ou religieux n’avait aucun attachement à cette terre (c’est un péché pour les rabbins d’établir un pouvoir temporel à Jérusalem). « Le sionisme est un nationalisme particulier qui ne vise pas à asservir le peuple colonisé mais à l’expulser. Il est une gigantesque manipulation de l’Histoire, de la mémoire et des identités juives. Prétendre que les Juifs ont été en exil et ont fait leur retour est faux. » En réalité, les Juifs sont des descendants des convertis -berbères, slaves, etc.- et les Palestiniens sont des descendants des Hébreux de l’Antiquité. Contrairement aux pays musulmans, l’anti-judaïsme chrétien a permis une persécution permanente des communautés juives avec de terribles pogroms.

Un rappel historique s’impose. Avec la montée des nationalismes européens, les Juifs étaient devenus les parias de l’Europe considérés comme des Asiatiques inassimilables. Avec la complicité des dirigeants européens, le sionisme en a fait des colons européens en Asie au service de l’Occident. « Le sionisme prétend aujourd’hui que les Juifs ont vécu l’enfer dans le monde arabo-musulman justifiant ainsi le sort réservé aux Palestiniens, c’est encore un mensonge car l’antisémitisme est d’origine chrétienne et européenne. »

Les antisémites soutiennent la politique israélienne

Il existe un sionisme chrétien essentiellement protestant et anglo-saxon. Il pense que les Juifs doivent aller en Israël pour faciliter la 2e arrivée du Christ, analyse Pierre Stambul. Ils ont largement financé la colonisation, laquelle a expulsé les Arabes. « Le sionisme c’est comme l’Apartheid en Afrique du Sud. Il nie totalement le crime fondateur : l’expulsion des Palestiniens mais aussi le droit à la mémoire et à la dignité. » Et donc « sans rupture avec le sionisme aucune paix juste n’est possible. Aussi, des processus comme Oslo n’aboutiront nulle part, il faut repartir du droit international. »

Comment expliquer que le sionisme a même gagné de nombreux juifs indifférents à sa cause ? « Les sionistes ont peur de ne plus avoir peur » avait déclaré Aghazarian, négociateur palestinien avant les accords d’Oslo. « Il s’agit du complexe de Massada, explique le militant associatif, la certitude que les victimes ont été, sont et seront toujours les Juifs et qu’ils ne peuvent se défendre que par eux-mêmes. »

« Le sionisme a fait du génocide une forme de religion alors que de nombreux dirigeants sionistes ont collaboré », affirme Pierre Stambul. Faits historiques à l’appui,  « à aucun moment, Ben Gourion ne brise le blocus de l’Allemagne nazie décrété par les juifs des États-Unis (s’il avait eu lieu, le réarmement de l’Allemagne aurait été beaucoup plus difficile). Au contraire, lorsque Hitler est au pouvoir, Ben Gourion signe un accord permettant aux juifs allemands d’émigrer en Palestine avec leurs biens. » De son côté, « Yitzhak Shamir, plusieurs fois Premier Ministre en Israël, a assassiné des soldats et Lord Moyne en 1944, représentant britannique au Caire » et fait assassiner des dignitaires britanniques, dont le comte Bernadotte en 1948, représentant du Conseil de sécurité des Nations unies.

Sionisme et socialisme. « Les sionistes ont trempé dans tous les crimes contre les Palestiniens depuis la Nakba (1948), la colonisation, le mur et les attaques contre le Liban ou Gaza. Le Kibboutz était également un instrument de conquête et de colonisation réservé aux seuls Juifs. Le fond du sionisme étant la création d’un état juif, est une abomination », selon Pierre Stambul, « il faudra un État de tous les citoyens. »

Propos recueillis par Piédad Belmonte (La Marseillaise, le 11 novembre 2014)

(*) Éditions Acratie, 2014, 65 pages, 6 euros.

Martigues. Pierre Dharréville présente son roman « En l’absence de Monsieur J. »

le 03 novembre 2014

A la librairie l’Alinéa
12, Traverse Jean Roque
Martigues

Jeudi 6 novembre à 19h

Pierre Dharréville présentera son roman paru aux Editions de l’Atelier. Une évocation du procès de l’assassin de Jaurès et de se qui va en découler…

La Penne-sur-Huveaune. Présentation du roman de Pierre Dharréville « En l'absence de Monsieur J. »

le 03 novembre 2014

Médiathèque Pablo-Neruda
Avenue Beausoleil
La Penne-sur-Huveaune

Vendredi 7 novembre à 18h30

Rencontre dans le cadre du centième anniversaire de la mort de Jean Jaurès, à l'invitation de Pierre Mingaud, Maire de La Penne-sur-Huveaune, des membres de la Commission Culture - Jeunesse - Sport - Vie Associative et du Conseil Municipal.

Lucien Sève. « La chance d’avoir la Marseillaise »

le 01 novembre 2014

Lucien Sève. « La chance d’avoir la Marseillaise »

Tribune. Le philosophe Lucien Sève se souvient de ses années à Marseille dans les années 60 et de sa rencontre avec notre journal auquel il est toujours resté attaché. Il témoigne.

Il y a de ça soixante ans, j’étais professeur de philosophie à Bordeaux, loin du Sud-Est où vivait toute ma famille.

Pour la rentrée 1957, j’obtins d’être muté à Marseille, au Lycée Saint-Charles, où j’ai enseigné jusqu’en 1970. Venant d’une ville où n’existait nul quotidien de vraie gauche, je n’ai pas tardé à mesurer la chance des Provençaux d’avoir la Marseillaise.

1958, c'est l’année où la guerre d’Algérie précipita la fin de la IVe République et le passage brutal à la Ve. Avec un de Gaulle qui n’était plus celui de la Résistance et la Libération, mais sous le képi duquel se précipitait au pouvoir une droite agressive. Que le nouveau Président fût de Gaulle semait néanmoins une confusion extrême. Durant toute cette époque agitée, la Marseillaise fut d’un apport inappréciable pour aider le lecteur à bien repérer sa gauche et sa droite – un repérage dont aujourd’hui aussi le besoin est criant…

Ces nuits passées à monter la garde pour défendre le journal

Prise en haine par une droite extrême alors fort remuante, la Marseillaise dut même à divers moments être physiquement défendue. Je me souviens d’avoir été de garde plusieurs nuits sur les toits de l’immeuble, avec les copains communistes enseignants du Lycée Saint-Charles (la cellule comptait une quinzaine de membres), durant ces journées du putsch d’Alger en 61 où les paras de l’armée d’Afrique menaçaient de venir établir leur loi violente en métropole.

Une de ces nuits, j’eus à descendre un moment au rez-de-chaussée, et à l’étage je croisai deux ouvriers du journal qui ne me connaissaient pas ; l’un disait à l’autre : « Tu sais qui nous garde cette nuit ? Les pédagos ! ». Et tous deux de bien rigoler…

Quand je fais le compte de mes treize années de vie à Marseille, je suis frappé de constater la place multiforme et si vivace près d’un demi-siècle plus tard qu’y a tenue la Marseillaise.

Souvenirs en vrac d’hommes remarquables, de mon ami Georges Righetti, tailleur de pierre et magistral directeur du quotidien, aux républicains espagnols qui travaillaient à la compo, Melchior et Rosette Carton ; de lieux pour moi richement évocateurs, la fenêtre de l’immeuble donnant sur le Cours d’Estienne d’Orves d’où François Billoux annonçait et commentait pour la foule les résultats d’élections (dans les années 60, le score communiste à Marseille fluctuait entre 20 et 30% des voix…), la salle Colonel Fabien, aujourd’hui disparue, où se donnaient entre autres les conférences très fréquentées de l’Université nouvelle, à deux pas de la librairie Paul Eluard animée par la chère Marie-Rose ; des Fêtes de la Marseillaise, que ce soit à Gémenos ou au Parc Chanot, où il y avait grand monde non seulement dans les stands et au meeting mais autour des auteurs signant leurs livres… La Marseillaise, pour moi, ç’a été bien plus qu’un journal : un vrai ami des bons et des mauvais jours.

Utile à la résistance offensive, jour après jour

Ce qui fait au fil des générations le caractère irremplaçable de la Marseillaise est à mes yeux d’unir étroitement deux choses très différentes et aussi essentielles l’une que l’autre : l’immersion profonde dans la réalité populaire provençale et d’abord marseillaise, celle qu’ont rendue inoubliable pour la France entière les films de Robert Guédiguian comme les romans de Jean-Claude Izzo, et la lucidité politique générale sur ce que les dominants et leurs porte-plume méridionaux et nationaux s’efforcent d’embrouiller à plaisir pour parvenir à faire majoritairement accepter l’inacceptable.

Interviewé par l’Humanité Dimanche après que lui ait été attribué le prix Albert Londres 2014, Philippe Pujol disait à propos de l’esprit du journal qui a été le sien : « On n’est pas obligé pour parler de Marseille d’envoyer de la kalach. Il s’agit de résister aux standards modernes des médias, de la radicalisation et de la diffusion des idées d’extrême droite. »

« Résister aux standards modernes des médias », c’est-à-dire, selon le mot cynique d’un de leurs grands managers, la « vente de temps de cerveau disponible » : qui mènerait cette vitale résistance offensive, jour après jour, pour Marseille et toute la région, s’il n’y avait la Marseillaise ?

Lucien Sève (La Marseillaise, le 1er novembre 2014)

Lucien Sève vient de publier aux éditions La Dispute l'ouvrage "La Philosophie ?", troisième tome de ses travaux intitulés "Penser avec Marx aujourd'hui". Les deux précédents tomes étaient sortis en 2004 ("Marx et nous")  et 2008 ("L'homme ?"). Pour tout renseignement : www.ladispute.atheles.org/.

Lucien Sève en quelques dates

1926. Naissance à Chambéry le 9 décembre.
1957. En poste au lycée Saint-Charles de Marseille. Il y restera jusqu'en 1970.
1961. Entrée au comité central du PCF. Il y siégera jusqu'en 1994 et quittera le parti en 2010.
1980. Sortie de Une introduction à la philosophie marxiste suivie d'un vocabulaire philosophique.
1990. Publication de Communisme, quel second souffle ?
2004. Lancement de la série Pensez Marx aujourd'hui.
2008. Obtention du Prix de l'Union rationaliste.