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On peut prendre le Front national à contre-pied : Entretien d'Alain Hayot dans L'Humanité

le 09 October 2011

On peut prendre le Front national à contre-pied : Entretien d'Alain Hayot dans L'Humanité

L’élu régional Paca (PCF-Front de Gauche) a observe de près l’ascension du FN à Vitrolles à la fin des années 1990, et au-delà. A l’heure où les sondages semblent permettre à Marine Le Pen de troubler le second tour de la présidentielle, Alain Hayot pose les jalons d’une lutte renouvelée contre le FN, qui interpelle d’abord la Gauche.

Ethnologue, professeur à l’université d’Aix-Marseille, président de la commission Aménagement et Développement des territoires du Conseil Régional de Paca, Alain Hayot a vécu de près l’ascension du Front national dans le Sud-Est, et particulièrement Vitrolles. À l’heure où Marine Le Pen s’installe dans le paysage à la suite de son père, il décrit ce que pourrait être, pour la gauche, une posture de combat. Entretien.

L’Humanité. Listons d’abord ce qui a échoué dans la lutte contre le FN, et les écueils qui menacent à quelques mois désormais d’une élection présidentielle où, il n’y a pas si longtemps, le FN a joué les trouble-fête. Alain Hayot. Premier écueil à éviter, c’est de considérer que le FN est une excroissance monstrueuse du système républicain, indépendant de la crise politique que nous vivons, alors qu’il en fait partie intégrante. Ce n’est pas une maladie honteuse de notre système mais un des révélateurs de ce que j’appelle la fracture démocratique : le décalage énorme entre le politique et le peuple. Un second élément de cette crise est la crise de la droite française, crise au sens gramscien, car elle est en pleine recomposition. Il y a quelque chose qui est en train de mourir dans cette droite chiraquienne, quasiment radicale-socialiste… On pourrait en fait reprendre et réinterpréter la classification de la droite opérée par René Rémond ; la droite « orléaniste » -on dirait centriste aujourd’hui- est en train de céder le pas à la droite « bonapartiste ». Laquelle prépare une alliance avec la droite « légitimiste » -en réalité l’extrême de la droite. Le sarkozysme est la tentative d’allier les trois. Il a du mai avec la droite centriste, qui tente de se reconstituer autour de Morin, Bayrou ou Borloo. Mais l’alliance avec la droite populiste, elle, est cri cours. L’Humanité. Le troisième élément à considérer, c’est bien sûr la crise de la Gauche elle-même. Alain Hayot. Crise du communisme, de la social-démocratie également. La Gauche, qu’est-ce qu’elle dit en termes d’alternative ? L’absence de projet a contribué à l’émergence de cette droite populiste et qui se droitise encore. Si l’on veut comprendre le Front national, il faut entendre cela, car autrement la lutte contre le FN revient à opposer le seul front républicain. L’Humanité. Alors que l’on sait que ça ne fonctionne plus… À Hénin-Beaumont, le FN seul réalise au second tour 48 % face à six autres formations… Alain Hayot. La digue en effet a cédé. Le second écueil, qui découle du premier, c’est la théorie du cordon sanitaire qui là aussi ne fonctionne pas. Ça a marché un temps de jeter à la face du FN « nazis », « fachos ». Mais très vite, ces références ne parlent plus à la jeunesse. L’Humanité. De votre expérience à Vitrolles, quand les mégrétistes s’implantent et jettent leur dévolu sur la ville, que tirez-vous avec le recul ? Alain Hayot. J’avais constaté que l’émergence du FN s’effectuait sur la base d’une double fracture, une fracture sociale et politique. Pour que le FN émerge, il faut une crise sociale profonde entre ceux qui la subissent ou ceux qui en ont peur, et une crise politique grave. Vitrolles, Marignane, Toulon vivaient ces deux crises, avec un pouvoir local déconsidéré. Troisième écueil, selon moi, l’approche sociologiste à l’égard du FN. Pourquoi passe-t-on notre vie à essayer de comprendre qui vote pour eux, pourquoi on vote pour eux ? Est-ce qu’on le fait à ce point pour l’UMP ou le PS ? Non 1 On ne se pose pas autant de questions, on les combat, on fait de la politique. Or, avec le FN, on substitue la sociologie à la politique. La question n’est pas de culpabiliser l’électeur FN, c’est de combattre le projet du Front lui-même. Argument contre argument. S’occuper du parti plutôt que de l’électeur. Bien sûr qu’il est intéressant de savoir qui vote pour eux, encore faut-il dire des choses vraies… L’Humanité. Et là justement le « gaucho-lepénisme », vous en avez soupé… Alain Hayot. Ce trop-plein de sociologie à l’égard du FN s’est traduit par beaucoup d’études, pas innocentes politiquement. Cela a consisté à imposer l’idée fausse d’une responsabilité forte de la gauche, et des communistes en particulier, dans l’émergence du vote FN. Henri Guaino, par exemple, rabâche cette idée. La thèse de Pascal Perrineau est que l’électorat FN serait majoritairement ouvrier et issu des classes populaires, et majoritairement issu des transferts de voix communistes, et pour une part aussi socialistes. Cette thèse a culpabilisé les militants de Gauche, au point qu’ils l’ont même intériorisée. Quelque part, cela nous enferme dans l’idée de l’irréversible ascension : il n’y a rien de plus faux. La corrélation établie par Pascal Perrineau est biaisée car il voit les choses globalement. Quand on s’attache à l’échelon local, je l’ai fait sur Marseille ou Cavaillon, on s’aperçoit que, dans les grandes conurbations, le vote FN se fait, majoritairement encore une fois, dans des zones de lotissement, souvent occupées par d’anciens fils d’ouvriers qui ont connu l’ascenseur social. Et qui habitent des zones pavillonnaires, en propriété. Le vote FN n’est pas un vote émis par désespérance sociale, c’est un vote émis par des gens qui ont peur du déclassement. Les vrais désespérés sont dans l’abstention, et depuis fort longtemps. Prenez à Marseille la cité de la Cayolle : le FN fait 10 %. le Front de Gauche y fait son meilleur score du canton, le PS réalise 30 %… Et l’abstention est à 70 %. Au fond le Front national est un vote de la peur du pauvre, au lieu de lutter contre le système, on lutte contre la victime. L’Humanité. Cette thèse s’est assise sur deux courbes : celle du déclin du PCF, celle de la montée du FN. Alain Hayot. Il n’y a pas de corrélation directe entre les deux votes. D’abord parce que le déclin du PCF est antérieur à l’émergence du Front national en 1984. Entre 1984 et 1990, le vote FN est un vote de radicalisation d’une partie de la droite. C’est à partir de 1995 qu’on voit apparaître une corrélation nette entre le vote FN et le vote populaire. Le vote FN est manifestement beaucoup plus ouvrier en 2002, c’est ce vote -s’ajoutant à la radicalisation d’une partie de la droite française- qui permet à Jean-Marie Le Pen de réaliser son opération spectaculaire. Mais cette corrélation se fait sur la base d’ouvriers qui, de manière prévalente, ont déjà voté à droite auparavant. Il serait stupide de nier des transferts, il y a toujours eu, en tout état de cause, un vote populaire et ouvrier en faveur de la droite, le gaullisme en fut un exemple récent. La partie de la classe ouvrière dont Marx disait qu’elle était « en déshérence ». Il y a un ouvrier sur deux qui a voté Sarkozy en 2007. Il y a effectivement 19 % de l’électorat FN qui est ouvrier. Mais il y en a 27 % au PS ! La majorité de l’électorat FN,est issue en réalité de la classe moyenne et intermédiaire. L’Humanité. Comment lutter plus efficacement contre le FN, alors ? Alain Hayot. Commençons par regarder ce que nous dit la société française de trois phénomènes : d’abord l’essor d’une droite populiste qui cogne à la porte du pouvoir, puis la radicalisation plus générale de la droite, enfin l’abstention. Premièrement, la société française nous dit l’ampleur des peurs à combattre. Si, comme André Gerin le suggère, on dit que l’on « comprend les électeurs du FN », je crois que l’on se trompe. Si l’on entretient la guerre sociale, ce n’est pas la peine de parler de transformation sociale, voire de société nouvelle. C’est légitimer le vote FN que de faire cela. Au PS, Manuel Valls, lorsqu’il parle à sa manière de sécurité et d’immigration, ne fait pas autre chose. Ce que nous dit le vote frontiste, c’est en somme l’ampleur des replis. Or c’est l’inverse, je pense, que l’on doit travailler, c’est effectuer ce que nos aînés dans les années 1930 ont fait : organiser la solidarité entre les victimes du système. Et non dresser les immigrés anciens contre les immigrés récents, les propriétaires contre les locataires, les moins pauvres contre plus pauvres encore. L’Humanité. Dernier élément à prendre en compte, le vote FN est, dites-vous, un vote « pour », un vote sur un projet. Alain Hayot. La thèse qui a consisté à penser le vote FN uniquement en termes de vote protestataire, tribunicien, est stupide. Jamais le vote communiste n’a été qu’un vote tribunicien, il a toujours été un vote pour un projet de société, on peut en dire tout ce que l’on veut, mais c’était une cohérence politique. On prend vraiment là le peuple pour des idiots culturels, avec cette vision élitiste. Un type qui vote FN, croit-on vraiment que c’est le « soupir de la créature opprimée » ? Il vote parce qu’il est convaincu que les projets du FN sont ceux que doit porter la société française tout entière. Et Sarkozy l’a bien compris, ça, en intégrant les grands axes de la proposition frontiste dans sa pratique politique. La Gauche se doit donc d’être porteuse d’un projet de société radicalement différent. C’est vrai que le PCF a été un peu gêné aux entournures par le passé parce que l’on tenait un discours anti-mondialisation. « Produisons français », ce n’est pas la bonne formule si on nourrit le sentiment que la France peut s’en sortir toute seule, alors qu’on sait qu’il faut une bataille au moins à l’échelle européenne. L’Humanité. Le FN dispose d’un Wer puissant il propose un « récit », un imaginaire politique. Alain Hayot. Pour moi, l’aggiornamento à l’œuvre au FN est plus sur la démarche et l’orientation que sur le fond. Je ne crois pas à un rideau de fumée au FN, je crois qu’il se passe quelque chose de réel. La préférence nationale, Marine Le Pen ne la pose pas comme son père à travers la défense de la France éternelle, mais elle la met au service des Français pauvres : logement (même si ce n’est pas du logement social), école, santé. L’anti-mondialisme est mis au service d’une politique de repli, avec le retrait de l’euro. L’Humanité. Réfuter les arguments du Front national, ça se travaille ? Alain Hayot. On me dit : « Tu devrais aller chercher dans le programme du FN tout ce qui montre qu’il est favorable au capitalisme » ; on ne trouvera pas, ils sont plus malins que ce que l’on croit ! Mais nous ne sommes pas démunis pour autant. Dire par exemple, comme le fait le FN, que l’immigration est à l’origine de la crise est un des plus grands mensonges du moment. Des pays dépourvus d’immigration comme l’Islande, ou à faible immigration encore, comme l’Espagne, ont pris la crise de plein fouet. La crise est aussi forte dans les pays d’immigration que dans les pays d’émigration. La crise, en Afrique, est-elle due à l’immigration ? Non, nous devons donc répéter que la migration est un phénomène qui a toujours existé, qui est appelé à se développer avec la multiplication des échanges, que tous les pays vont devenir à la fois des pays d’émigration et d’immigration. Un projet politique authentiquement de gauche aujourd’hui me semble devoir remettre en avant la question du vivre ensemble. On pourrait ainsi dérouler tous les thèmes chers au Front national et avancer sur la construction d’un projet. Un élu communiste qui accepte des caméras de surveillance ne mène pas selon moi le combat des idées ; veut-on vraiment une société où tout le monde se surveille, ou construire une société de solidarité ? La contre-offensive doit être sur le terrain des idées, des valeurs, des arguments. L’Humanité. Je note que la CGT a repris l’offensive, Bernard Thibault a écrit récemment que « la démarche du Front national divise les classes populaires, divise le monde du salariat, et laisse les classes populaires en grande fragilité face aux dominants, aux oligarchies qui gouvernent le monde ». Alain Hayot. Il faut partir de l’idée que le FN a un projet politique, que ce projet fait des petits, qu’il essaime, il devient le projet de toute la droite, et devient le lieu où s’articulent des problématiques tout à la fois ultra-libérales et ultra-conservatrices. La question n’est plus de savoir si une alliance entre ces droites aura lieu, mais qui, à l’intérieur de cette alliance, aura l’hégémonie. Nous sommes face à ce danger considérable, tandis que le FN tisse son réseau dans l’appareil d’État. Si on s’imagine que l’on va s’en sortir en épousant les thèses de ceux qui creusent la désespérance sociale, comme le FMI, on se trompe. Nous avons évidemment une difficulté à nommer ce que l’on veut comme alternative au capitalisme. On dit anti-capitalisme, altermondialisme, anti-libéral ; on est dans « l’anti », mais quel est le système que l’on appelle, nous ? Entretien réalisé par Grégory Marin et Lionel Venturini (L’Humanité, des 7, 8 et 9 octobre 2011)

L'eau c'est la vie et l'art aussi : Un concours d'art et d'écriture sur le thème de l'eau

le 02 October 2011

L'eau c'est la vie et l'art aussi : Un concours d'art et d'écriture sur le thème de l'eau

Michel Carrière, Président de l’association FTP présente un concours d’art et d’écriture sur le thème de l’eau. L’association Former, Transformer, Partager (FTP) lance un concours d’art et d’écriture sur le thème de l’eau parrainé par La Marseillaise Michel Carrière, Président de FTP présente l’initiative. La Marseillaise. Votre association fait appel à tous les talents pour participer à un grand concours d’art et d’écriture, de quoi s’agit-il ? Michel Carrière. Nous avons fait le choix d’initier un grand concours populaire sur le thème de l’eau. C’est une des raisons d’être de Former, Transformer, Partager, qui est une association d’éducation populaire et politique, soucieuse de placer l’art et la culture au centre de son action. Nous nous emparons des questions sociales et sociétales à travers une approche culturelle. Pour nous, l’art et la création font partie de la citoyenneté. Plus qu’un concours, cette initiative ouverte à la participation de tous jusqu’au 10 novembre, est une façon différente de prendre part au débat citoyen. La Marseillaise. Pourquoi avoir choisi le thème de l’eau ? Michel Carrière. L’eau c’est la vie, l’art aussi. Il n’est pas possible de vivre sans eau mais elle peut aussi être cause de conflit. C’est cette ambivalence qu’il nous a semblé utile de traiter Par ailleurs 2011 est l’année régionale de l’eau. Pour l’association Former Transformer, Partager, l’eau est un bien commun qui appartient à tous les êtres vivants de notre planète, elle ne peut être une source de profit. Cette approche de la question est propice au débat et donc à la création sous toutes ses formes : art plastique, récit, poème, photo... Nous attendons une grande diversité de formes d’expression artistique. La Marseillaise. Vous insistez sur l’aspect populaire du concours, qu’entendez-vous par là ? Michel Carrière. Pour nous, ce grand concours est à l’opposé d’une conception élitiste de la culture. Nous prenons le parti de la proximité et de l’ouverture à tous. Dans la perspective de Marseille Provence capitale européenne nous pensons d’ailleurs que l’implication populaire est une priorité.à travailler Pour ce concours, nous souhaitons la participation de toutes les tranches d’âge, de l’enfant au retraité. Mais aussi, l’implication de tous, quel que soit le niveau de pratique artistique, du novice au connaisseur. Et bien sûr le concours est ouvert à toutes les nationalités, car l’eau comme l’art n’ont pas de frontières. Le jury qui est en cours d’élaboration sera lui aussi très divers et intégrera des artistes, des écrivains... Je tiens à remercier pour son soutien la Librairie Diderot qui a accepté un partenariat avec notre association pour cette initiative. La remise des prix pour les gagnants aura lieu d’ailleurs lors de la librairie de Noël qui se tient chaque année au 280 rue de Lyon. La librairie Diderot qui fait beaucoup pour la diffusion d’une littérature sans exclusive, engagée, militante et progressiste, partage les mêmes valeurs que l’association Former, Transformer, Partager. C’est un plaisir de travailler ensemble. Propos recueillis par Léo Purguette (La Marseillaise, le 2 octobre 2011) Comment faire pour participer au concours Les œuvres proposées devront être attachées au thème de l’eau. Le bulletin d’inscription rappelle la multitude de formes que prend cet élément indispensable à la vie comme autant de sources d’inspiration : « L’eau des sources, des fontaines, des lacs, des rivières, des mers, de la pluie, la rosée sur les feuilles au soleil levant, les reflets au soleil couchant. Langueur et douceur de l’eau mais aussi sa furie, ses tempêtes, le murmure du ruisseau et le grondement de flots déferlants. Pour l’eau on rêve, on fantasme, on se bat, on meurt. Là où il y a de l’eau, il y a la vie. L’eau est dans notre vie. C’est un bien commun. » Ouvert à tous, le concours demande pour son organisation une participation selon l’âge : 5 euros jusqu’à 15 ans, 8 euros pour les adultes (chèques à l’ordre de FTP). Les contributions peuvent prendre la forme d’écrits, d’œuvres d’art plastique ou de photographies. Elles doivent parvenir encadrées ou fixées sur un support rigide à la Librairie Diderot (280, rue de Lyon, 13015-Marseille) assorties des informations suivantes : titre de l’œuvre, nom et prénom de l’auteur, catégorie, adresse, courriel, numéro de téléphone, autorisation ou non donnée à l’association d’exposer l’œuvre. Le concours sera clôturé le 10 novembre et les prix seront remis aux gagnants les 9 et 10 décembre.

Pierre Laurent présente son nouveau livre : « Le Nouveau pari communiste »

le 20 September 2011

Pierre Laurent présente son nouveau livre : « Le Nouveau pari communiste »

« Abolir l'insécurité sociale »

Pierre Laurent, le Secrétaire national du PCF présente son livre, « le Nouveau pari communiste » a l’occasion de la Fête de L’Humanité.

Alors que s’ouvre aujourd’hui la Fête de l’Humanité à La Courneuve, Pierre Laurent vient de publier Le Nouveau pari communiste. Le Secrétaire national du PCF aborde pour La Marseillaise son ouvrage et l’actualité politique.

La Marseillaise. Vous signez « le Nouveau pari communiste » au moment où le capitalisme mondialisé traverse une crise très profonde. Quels sont pour vous les risques mais aussi les opportunités de la période actuelle ? Pierre Laurent. Nous sommes à un tournant historique. Le système capitaliste hyper financiarisé qui a dominé la planète pendant les deux dernières décennies est entré dans une violente crise. En Europe singulièrement, la situation n’est plus sous contrôle des dirigeants capitalistes. Leurs politiques amplifient même la catastrophe. Les enjeux sociaux et environnementaux appellent un nouveau mode de développement. Ceux qui résistent à la nécessité de repenser le fonctionnement du monde sont de plus en plus ringards. Je crois que les idées du communisme, de la mise en commun, du partage font partie, à l’opposé, des grandes idées qui, en rencontrant l’indignation des peuples, peuvent se transformer en forces pour le changement. La Marseillaise. Dans votre ouvrage vous plaidez pour « une nouvelle ambition de civilisation » mais la question de la dette ne décrédibilise-t-elle pas la perspective de tout changement même marginal ? Pierre Laurent. La campagne idéologique des dirigeants capitalistes pour diaboliser la dette et faire croire que la cause de la crise réside dans l’excès. de dépenses publiques et sociales est un énorme mensonge. C’est l’option choisie par les gouvernements pour tenter de perpétuer un système dans lequel l’augmentation extraordinaire des prélèvements financiers sur la richesse produite par le travail pose de réels problèmes. A ceux qui proposent de serrer comme jamais le robinet des dépenses publiques pour continuer à rembourser les marchés nous disons stop. Il faut renverser la vapeur. Nous proposons de taxer les revenus financiers du capital, de réformer la fiscalité et de continuer à investir pour satisfaire les besoins sociaux. La Marseillaise. Le programme du Front de gauche va être présenté lors de la Fête de l’Humanité qui s’ouvre aujourd’hui, quel sera votre principal axe de campagne ? Pierre Laurent. Nous voulons abolir l’insécurité sociale. Le système met désormais tous les salariés en situation de précarité. Il produit de la pauvreté.et des difficultés terribles pour des millions de familles. L’insécurité sociale affaiblit le potentiel d’innovation et de créativité, la qualité de notre développement économique et industriel. Pour y mettre fin nous voulons retrouver la maîtrise publique de tout le système bancaire et financier pour changer l’utilisation de l’argent, du crédit de la monnaie et les mettre au service de l’intérêt général. Nous voulons des nationalisations bancaires non pour faire éponger par les contribuables la dette au profit des marchés comme certains l’envisagent, mais pour changer de logique, de critères de gestions, pour gagner de nouveaux droits pour les salariés et les citoyens. La Marseillaise. Comment concevez-vous votre place, celle des communistes, dans une campagne où Jean-Luc Mélenchon est le candidat ? Pierre Laurent. On voit dans toute l’Europe la force remarquable des mouvements des indignés qui peut cohabiter avec une absence de perspective politique. La responsabilité des communistes dans la situation exceptionnelle de crise est d’ouvrir une perspective crédible de changement majoritaire. C’est le choix que nous avons fait avec le Front de Gauche. Le rôle du PCF dans cette campagne sera de permettre l’engagement populaire le plus large dans cette construction politique que nous avons initiée. C’est la condition pour ne pas voir réduire le débat politique à peu de choses comme c’est le cas actuellement avec la personnalisation excessive des primaires. Les communistes déploieront toute leur énergie pour mener le débat de fond, ils ont les forces militantes et l’implantation locale pour le faire. Pour ma part, j’occuperai un rôle de premier plan, je présiderai le conseil national de campagne qui rassemblera des représentants des formations politiques du Front de Gauche mais aussi des syndicalistes, des personnalités des mondes associatif et culturel qui veulent s’engager dans cette dynamique. La Marseillaise. Vous dénoncez dans votre livre l’imposture sociale du FN, son rôle de diviseur des travailleurs, l’anti-syndicalisme de Marine Le Pen. Comment réagissez-vous à la publication par la présidente du Medef d’un pamphlet intitulé « Un piège bleu Marine » ? Pierre Laurent. Au moment de l’élection de Marine Le Pen à la tête du FN, j’avais dénoncé depuis Hénin-Beaumont une vaste opération de banalisation de l’extrême-droite. Beaucoup de gens sont obligés aujourd’hui d’avouer qu’à force de jouer avec le feu, on risque de propager un incendie dans les consciences. Mais il ne suffit pas de bonnes paroles. Au lieu de faire mine de se réveiller, Laurence Parisot ferait mieux de s’interroger sur la responsabilité du Medef qui, depuis sa création, œuvre à la mise en concurrence maximale des travailleurs et des peuples, qui a abouti aux souffrances populaires sur lesquelles le FN prospère. La Marseillaise. Vous irez bientôt rendre hommage avec Bernard Thibaut de la CGT aux fusillés de Châteaubriant dont faisait partie Guy Môquet. Que retenez-vous de cette période noire de l’Histoire pour aujourd’hui ? Pierre Laurent. Nous répondons tous les deux à l’invitation de l’amicale de Châteaubriant. Ce sera l’occasion de redire notre attachement aux conquêtes sociales de la Résistance qui puisait un grand nombre de ses forces dans le monde syndical et ouvrier. En détruisant ces acquis, le gouvernement ouvre les portes à l’idéologie de haine et aux possibilités de barbaries politiques qui avaient surgi de la crise de 1929. C’est aussi l’occasion de se souvenir qu’en luttant, il est possible de sortir par le haut d’une très grave crise. La Marseillaise. Vous concluez votre ouvrage sur le renouvellement du PCF. Quel y est l’apport des nouvelles générations qui l’ont rejoint ? Pierre Laurent. Je mets en évidence une réalité occultée : des jeunes militants ont investi le Parti Communiste et occupent jusqu’aux plus hautes responsabilités. C’est un souffle de combativité car ils sont très exigeants sur la radicalité de nos propositions face à un système capitaliste qui leur interdit tout avenir. C’est aussi une source de renouvellement démocratique car ils sont très soucieux de démocratie militante, de prise de décision partagée. Je suis convaincu que beaucoup d’autres jeunes motivés par leurs révoltes peuvent faire du PCF leur parti et y mettre leurs forces en commun. Entretien réalisé par Léo Purguette (La Marseillaise, le 16 septembre 2011) Le Nouveau pari communiste Avec le Nouveau pari communiste, Pierre Laurent livre ses réflexions sur l’actualité brûlante et dévoile ses ambitions pour le Parti communiste au XXIE siècle. Depuis son élection en juin 2010 à la tête du PCF, l’histoire s’est accélérée. En France, avec l’affaire Bettencourt, la bataille des retraites, le scandale DSK… Et dans le monde avec l’aggravation de la crise systémique du capitalisme et le printemps arabe. Pierre Laurent donne son analyse, témoigne de ses rencontres, nourrit son livre de cette actualité si riche et par là même si complexe à appréhender. Dans un style parfois acéré, il égratigne les commentateurs politiques qui n’en finissent pas d’enterrer son parti : « Désolé messieurs les croque-morts, le PCF n’en finit plus de ressusciter » écrit-il. Mais par ce livre, il À Le Nouveau pari communiste, intervient avant tout dans le débat d’idées, prenant parti par exemple pour une nécessaire « décapitalisation » du monde en réponse au concept de « démondialisation ». Tout en retraçant son propre parcours militant et professionnel, l’ancien directeur de la rédaction de L’Humanité rend compte des transformations du Parti communiste et de son rajeunissement. Il précise sa conception du Front de Gauche, et aborde ses relations avec Jean-Luc Mélenchon. Pierre Laurent se projette dans l’avenir et détaille son ambition de voir un PCF rénové reconquérir une place de tout premier plan à gauche et dans la vie politique française.

  • Le Nouveau pari communiste, Pierre Laurent Le Cherche midi bat d’idées, prenant parti par éditions 115 pages, 10 euros.

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le 09 September 2011