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Journée internationale. « La paix doit contaminer le monde »

le 22 septembre 2014

Journée internationale. « La paix doit contaminer le monde »

La paix s’est déclinée en musique, chants, paroles, poésie, récit, silence, partage. Des surfeurs ont glissé sur les vagues et des écrivains ont déployé leurs armes culturelles.

Les Voiles de la Paix 2014 ont fait tanguer, hier depuis le Vieux-Port jusqu’à la plage du Prado Nord, des artistes, surfeurs, écrivains et militant(e)s qui œuvrent au quotidien pour un monde sans armes et sans violence.

Le public a pu écouter les rythmes effrénés du Bamboo Orchestra. La musique symbolise la richesse de l’Humanité que Makoto, musicien, partage avec les enfants et les personnes handicapées. Se joignent des jeunes coiffés de kippas, keffiehs ou foulards mettant en scène des liens de confraternité, qui avec une rose tendue, qui bras dessus-dessous. Les énergies s’entremêlent afin de construire un socle sans haine. Un opéra est improvisé sous le vent caressant. La voix d’Aïda ferait reculer plus d’un guerrier. Pour Francisco Murillo (CE-cheminots), « la paix se cultive tout au long de la vie malgré les différences et les difficultés socio-économiques ». Tout le monde embarque à bord de voiliers aux couleurs pacifistes, destination : Prado Nord où la fête du vent bat son plein. Renée, 55 ans de militantisme bien sonnés, « bataille » toujours parce que les guerres continuent, elle qui s’est engagée pendant la guerre d’Algérie quand elle a vu rentrer sur le port de Marseille des sacs en plastique contenant les corps des soldats du contingent.

Des jeunes et des femmes

Les surfeurs pour la paix regroupent des jeunes palestiniens, israéliens, libanais, turcs, marocains, algériens, français, italiens. Créateur de Surfing for peace en Israël, Arthuer opine : « Nous pouvons changer les choses petit à petit. A notre échelle, c’est un petit changement, mais nous devons y parvenir. » Il voit la possibilité d’un seul État où les deux peuples pourront vivre ensemble dans 100 ans. Benjamin Lévy et Samuel Jacquesson, fondateurs des Surfeurs pour la paix, sont à l’initiative de ce type de rencontres « pour se connaître et ainsi éloigner les risques de guerre ».

Les femmes avec leur Marche mondiale sont aussi présentes parce qu’elles sont les principales victimes des guerres. Michel, curé de Septèmes, invoque une paix au quotidien « dans les moindres petits gestes, les paroles, dans les familles, nos quartiers, ça doit contaminer le monde ». La chorale des voyageurs entonne des chants arabo-andalous et ladinos du temps où les trois cultures vivaient en harmonie dans Al-Andalus. Yahia Belaskri, écrivain, est venu parler de la guerre car « les gens ne savent pas ce qu’est une guerre. Les gens en sortent marqués à jamais. La paix est fondamentale, il faut l’instaurer quel qu’en soit le prix ».

Piédad Belmonte (La Marseillaise, le 22 septembre 2014)

Histoire. La faute des Provençaux

le 21 septembre 2014

Histoire. La faute des Provençaux

A l'heure de la commémoration du centenaire de la Grande Guerre, retour sur ce conflit meurtrier et marquant du XXe siècle.

Début août, 300.000 soldats provençaux sont mobilisés. Le Sud-Est forme la 15e région militaire avec les subdivisions de Digne, Nice, Privas, Nîmes, Pont-Saint-Esprit, Avignon, Marseille, Toulon et Ajaccio.

Le 15e corps, qui fait partie de la 2e armée, est envoyé sur le front de Lorraine. L’offensive semble bien engagée puisque les Allemands reculent, plusieurs jours durant. Le 19 août, l’avance est stoppée. Le 22, des Ardennes aux Vosges, on parle de défaite.

Le 24 août 1914, Gervais, sénateur radical de la Seine, publie dans « Le Matin », un article disant notamment : « Une division du XVe Corps, composée de contingents d’Antibes, de Toulon, de Marseille et d’Aix, a lâché pied devant l’ennemi. (…) Toute l’avance que nous avions prise (…) a été perdue ; tout le fruit d’une habile combinaison stratégique, longtemps préparée, dont les débuts heureux promettaient les plus brillants avantages, a été momentanément compromis. Malgré les efforts des autres corps d’armée qui participaient à l’opération, et dont la tenue a été irréprochable, la défaillance d’une partie du XVe Corps a entraîné la retraite sur toute la ligne. (…) Surprises sans doute par les effets terrifiants de la bataille, les troupes de l’aimable Provence ont été prises d’un subit affolement. L’aveu public de leur impardonnable faiblesse s’ajoutera à la rigueur des châtiments militaires. »

La censure imposée en temps de guerre interdit toute réponse. D’autres journaux reprennent l’information, et la rumeur enfle. On parle d’infamie, de trahison : des régiments entiers, composés de soldats du Midi, auraient fui devant l’ennemi, auraient déserté. Le communiqué officiel de l’État-major disait : « plusieurs corps d’armée allemands ont engagé sur tout le front une vigoureuse contre-attaque (…) le combat a commencé, extrêmement vif de part et d’autre ; en raison de la supériorité numérique de l’ennemi, nos troupes, qui se battaient depuis six jours sans interruption, ont été ramenées en arrière ».

L’offensive en Lorraine a été un échec, face à un ennemi supérieur en nombre et en matériel. Il n’y a pas eu de débandade du 15e corps, mais un repli décidé par les chefs. C’est le 20e corps qui se replie en premier, puis le 16e, le 15e et enfin la 2e armée commandée par Foch. Le repli est donc général : 1e et 2e armées, toutes les troupes, depuis la frontière belge jusqu’à la Marne.

Depuis le 14 août, la 2e armée marche en direction de Morhange. Enhardies par le recul allemand, les troupes se précipitent dans le cirque de Dieuze, une souricière. Un seul passage entre les étangs débouche dans une grande plaine. L’ennemi est invisible et tire de tous côtés. C’est un champ de manœuvre de l’armée allemande. Le terrain a été miné, des tranchées en béton aménagées, les hauteurs fortifiées. L’artillerie lourde allemande est plus puissante et plus importante. Dans les bois sont dissimulées les mitrailleuses.

Pour les stratèges français, persuadés d’une guerre éclair, vu un nombre de soldats jamais réunis dans l’histoire, le choc frontal assurera la victoire. On charge, avec un siècle de retard, à la baïonnette, au son du clairon, à découvert avec une tenue des plus voyantes. Ils sont fauchés par l’artillerie et les mitrailleuses, avant d’avoir aperçu l’ennemi.

Août 1914 montre les défaillances de l’État-major et les incapacités militaires et politiques. Avec le chauvinisme exacerbé et le bourrage de crânes qui ont accompagné le déclenchement des hostilités, il est impossible de reconnaître un échec et on a recours à l’intoxication psychologique pour masquer une défaite. Il faut pour cela trouver un bouc émissaire : l’homme du Midi.

Les clichés ressurgissent et la presse se déchaîne contre l’homme du Midi : métissé de peuples méditerranéens et de juifs, vivant aux crochets de la France du Nord. On se demande s’il est capable de défendre sa patrie et s’il est un Français à part entière.  L’écrivain Huysmans parle de « races de mendiants et de lâches, de fanfarons et d’imbéciles ».

Le Petit Provençal du 25 août note : « Messieurs les Parisiens, qui se croient les gens les plus spirituels de la terre, n’aiment pas le Midi, et nous le savions de reste ; mais on avait le droit de penser que, dans les circonstances tragiques que nous traversons, ils auraient la pudeur de faire trêve à l’ineptie de leur habituel parti-pris ».

Face à l’unanime réprobation de tout le Sud de la France, le gouvernement, voyant se lézarder l’Union sacrée des premiers jours du conflit, fait machine arrière. Il minimise : « Le fait présenté sous cette forme, est inexact. Quelques défaillances individuelles, profondément regrettables ont pu se produire. (…) Il serait injuste de faire peser la faute de quelques-uns sur tous les soldats d’une région, dont les citoyens sont, comme tous les autres, prêts à donner leur vie pour le pays ». De prudents démentis sont publiés dès octobre 1914, où le 15e corps reçoit une première citation « qui fait justice de toutes les calomnies répandues contre les troupes du XVe corps d’armée, par des gens qui n’étaient pas là pour le voir à l’œuvre ». C’est signé Joffre. Le Sénateur Gervais reconnaîtra plus tard avoir écrit sous la dictée du Ministre de la Guerre, Messimy. Il n’empêche qu’accusés de lâcheté et de trahison, les soldats du Midi, désignés à la vindicte populaire, vont être l’objet de railleries et de vexations au front comme à l’arrière et jusque dans les hôpitaux, où des médecins refuseront de soigner des blessés du Midi.

La calomnie durera longtemps, des années. Pour les centaines de milliers de soldats du Sud de la France et particulièrement ceux du Sud-Est, aux horreurs de la guerre, se sont ajoutées quotidiennement, sur fond de discrimination raciale, les brimades.

Du 10 au 20 août, le 15e corps compte 4.200 morts qui ne reçoivent comme hommage que le mépris et l’injure.

Dans ce climat, des blessés du 15e corps sont suspectés de s’être mutilés pour quitter le front. Après un examen ultra-rapide, six sont accusés de mutilation volontaire et condamnés à mort une semaine plus tard. Deux sont fusillés le lendemain, 19 septembre 1914. Le Varois Auguste Odde et le Corse Joseph Tomasini.

Dans les jours qui suivent, un médecin retire de la cuisse d’un des condamnés un éclat de shrapnel (obus allemand). Il ne peuit s’agir de mutilation volontaire. Les quatre survivants seront innocentés.

Après la guerre, les deux fusillés pour l’exemple seront réhabilités, un représentant de l’État portant aux deux familles une lettre d’excuses de la République, la croix de guerre et la médaille militaire. On dit qu’à Six-Fours, la mère d’Auguste Odde refusa d’ouvrir sa porte…

Raymond Bizot (La Marseillaise, le 21 septembre 2014)

Presse. Une nouvelle page de l'information écrite

le 20 septembre 2014

Presse. Une nouvelle page de l'information écrite

Chute des ventes, des recettes publicitaires, coûts de production, révolution numérique : les raisons à la crise du secteur sont nombreuses. Sans oublier celle concernant la nature des contenus.

2014 s’annonce dans la foulée de 2013 : une année noire pour la presse française. Mi-septembre, deux quotidiens nationaux, Le Monde et Libération, ont annoncé leurs projets pour une réforme alliant le numérique. A la clé, un plan de mobilité pour 35 salariés du journal du soir et 93 suppressions de postes pour Libé. Le premier affiche 12% de vente en moins durant l’année écoulée, le second 20%.

Des chiffres que l’on retrouve dans le tableau de bord de l’OJD, organisme de référence sur le recensement de la diffusion des journaux. Partout, les ventes reculent, les annonceurs se font rares et les déficits se généralisent. Rien de nouveau depuis 2006, date où l’érosion a commencé ?

Depuis, les causes ont pourtant été globalement cernées : recul des recettes publicitaires, coût trop élevé de la fabrication, concurrence de la presse gratuite, vieillissement du lectorat… Sans oublier, la révolution numérique, les nouvelles technologies rendant caduques les pratiques existantes.

Partout, les journaux s’activent pour répondre à ce nouveau défi, via un site internet ou une édition numérique. Sachant qu’il est difficile de lâcher la proie pour l’ombre, que cela nécessite des investissements financiers, et qu’aucune recette miracle n’a été trouvée.

Une rentabilité autre que financière

En 2011, l’aventure du Daily Mail fait l’effet d’une douche froide à ceux qui voyaient dans les tablettes une planche de salut. Malgré les moyens mis en œuvre par son propriétaire, Rupert Murdoch -23 millions d’euros, 150 salariés, dont 100 journalistes- le journal s’est arrêté au bout de 18 mois après plusieurs dizaines de millions de dollars de perte.

En France, Médiapart -uniquement présent sur le net et en version payante- semble tirer son épingle du jeu, affichant 700.000 euros de bénéfices en 2012 et 83.000 abonnés au début de l’année, sachant qu’il lui en faudrait 100.000 pour être tranquille. Mais le Canard Enchaîné, un des rares titres de l’Hexagone à avoir gardé la tête hors de l’eau durant des années, a lui délibérément refusé toute présence sur le net. Cependant, depuis 2013 les ventes reculent. Conséquence de l'arrivée de la gauche au pouvoir comme l’affirment ses dirigeants ou effet papier ?

Si l’absence de « modèle économique viable » d’une presse numérique est souvent mis en avant pour justifier l’absence d’un abandon radical du papier, celui-ci n’avait, même avant la crise, pas un rendement excessif. L’intérêt est ailleurs. Pour preuve : l’investissement massif dans les titres de presse de groupes militaro-industriels (Dassault, Bouygues, Lagardère) à la veille du 21e siècle.

La rentabilité escomptée par ces chantres du capitalisme n’est pas en monnaie sonnante et trébuchante. L’intérêt est de maîtriser le discours et d’empêcher la contestation. Une entreprise menée avec une efficacité certaine et qui explique peut-être aussi le désintérêt des lecteurs : dans un contexte de prolifération de l’information, pourquoi payer pour un journal où l’on ne trouvera que ce qui est déjà dit ailleurs ?

Des cohortes de journalistes précaires

En 1997 déjà, Serge Halimi avait pointé les dérives du journalisme dans un brûlot, réactualisé en 2005 : les Nouveaux chiens de garde. Il y soulignait la collusion entre pouvoirs médiatique, politique et économique, le traitement complaisant de certains médias vis-à-vis des sociétés qui en sont les actionnaires, sans oublier le changement de « castes » des journalistes : au début du 20e siècle, ces derniers appartenaient à la classe populaire ; depuis, ils sont assis à la table de la classe bourgeoise, s’interdisant dans la foulée de mordre la main qui les nourrissaient.

Le 21e siècle est passé par là et le constat se vérifie de moins en moins. Des journalistes notables cohabitent désormais avec des cohortes de journalistes précaires. Mais même déclassés, les journalistes ont désormais des conditions de travail qui ne leur permettent plus de défendre les causes et intérêts de leurs pairs, de creuser la réflexion et la confrontation, de pister les alternatives… D’autant que le métier, car c’est un métier, a changé.

Dans un contexte où tout le monde a accès à de l’information et pense pouvoir en produire : comment y accéder, que choisir, comment vérifier, comment traiter, texte, son et image étant désormais possible ?

De plus, les rédactions réduites à la portion congrue doivent souvent se contenter de dossiers et autres conférences ou voyages de presse pour alimenter des articles rédigés vite et dans des formats courts.

La réalité a aussi ses nuances. Des titres indépendants -comme la Marseillaise- existent encore, portant réflexion, enquêtes et confrontation. Mais le contexte général est prégnant et rend l’exercice vraiment difficile.

Angélique Schaller (La Marseillaise, le 20 septembre 2014)

Une urgence démocratique

Parfois le hasard fait mal les choses. Alors que beaucoup de titres français -dont la Marseillaise- fêtent avec fierté cette année leur 70e anniversaire, suite à leur engagement dans la clandestinité contre les nazis, la presse aura rarement été confrontée à de tels bouleversements. Jusqu'à parler de survie.

Dans un monde qui tourne de moins en moins rond, une révolution informationnelle incessante, les médias sont appelés à se remettre en question s'ils veulent poursuivre leur mission d'information.

La difficulté repose notamment sur le fait que certains titres appartiennent à des actionnaires et des groupes industriels dont l'appât du dividende a pris le dessus sur la mission d'information.

Pendant ce temps, d'autres maintiennent contre vent et marée leur soif d'indépendance et leur opposition à la pensée unique. La Marseillaise a la prétention de pousser dans ce sens à un moment où le pluralisme est réellement menacé.

Il serait intellectuellement malhonnête de vouloir mettre tout le monde dans le même panier. Aussi, dans un tel climat, c'est à l'État, au nom de l'égalité républicaine et du droit à l'information, de veiller à ce que le pluralisme soit protégé, que les titres trouvent les ressources pour se moderniser et diffuser durablement une information de qualité. Un enjeu démocratique, dans une société en perte de repères.

Sébastien Madau (La Marseillaise, le 20 septembre 2014)

Repères

400 millions d’euros d’aides directes à la presse auxquels s’ajoutent des aides indirectes (TVA à 2,1%, exonérations, niches fiscales des journalistes, plan IMPRIME…) pour un total d’environ 700 millions.

Proposition de loi. En février 2013, la Députée communiste Marie-George Buffet a déposé une proposition de loi sur l’aide à la presse, remettant « au cœur du débat la question centrale de la réaffectation des aides à la presse et à sa distribution, en les ciblant prioritairement au soutien de la presse citoyenne et pluraliste » qui « ne peut fonctionner de façon pérenne sans les aides de l’État ». Il s’agit aussi de « renforcer les aides au secteur de la diffusion, pour améliorer les conditions économiques et sociales des salariés du secteur ».

La Libération de Marseille et de la Provence. Les oubliés de l'histoire

le 17 septembre 2014

A l'auditorium Germaine Tillion
J4 -MuCEM
13002 - Marseille

Lundi 29 septembre à 19h

Lancement du cycle de rencontres et débats autour des archives et de la littérature "Les Lundis du MuCEM".

Ce premier débat animé par Emmanuel Laurentin (journaliste d'histoire sur France Culture).

Les Amis du MuCEM ont décidé de soutenir et de mécéner cette année "Les Lundis du MuCEM".

A l'issue du débat se tiendra un cocktail de lancement "Des Lundis du MuCEM" et de remerciements aux Amis du MuCEM pour leur soutien.

Rencontre débat autour du Dictionnaire des anarchistes

le 17 septembre 2014

Librairie L'Alinéa
12, Traverse Jean-Roque
13500 - Martigues

Mardi 23 septembre à 18h

Rencontre organisée par la librairie L'Alinéa de Martigues, Promémo, Provence mémoire et monde ouvrier, et le CIRA de Marseille, avec Françoise Fontanelli, professeur d'histoire, collaboratrice du Maitron des anarchistes / Dictionnaire biographique du mouvement libertaire francophone et Claude Pennetier, historien, directeur du  Maitron – Dictionnaire biographique / Mouvement ouvrier. Mouvement social / De 1940 à mai 1968.

Les Anarchistes. Dictionnaire biographique du mouvement libertaire francophone Marianne Enckell, Guillaume Davranche, Rolf Dupuy, Hugues Lenoir, Anthony Lorry, Claude Pennetier et Anne Steiner. Avec une quarantaine d’auteurs. Éditions de l’Atelier, sortie prévue en mai 2014.

La collection du "Maitron", célèbre dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, bientôt quinquagénaire, propose un nouveau volume consacré aux anarchistes. Son fondateur, Jean Maitron fut le premier historien en France du mouvement libertaire, et il fit entrer l’histoire de l’anarchisme à l’Université.

Fruit d’un travail collectif initié par Claude Pennetier (chercheur au CNRS, directeur du "Maitron") et Hugues Lenoir (FA et CNT), puis orchestré par Marianne Enckell (CIRA de Lausanne), Rolf Dupuy (CIRA de Marseille), Anthony Lorry (Cedias-Musée social), Anne Steiner (université de Nanterre), Guillaume Davranche (Alternative libertaire), et Françoise Fontanelli (université de Provence Aix-Marseille I) ce dictionnaire de 528 pages a pour ambition de célébrer un siècle et demi de lutte en redonnant leur place aux principaux acteurs du mouvement libertaire : les militantes et les militants.

 Cinq cents biographies, dont soixante sont illustrées, ont été retenues pour le dictionnaire papier, avec le souci de respecter la diversité du mouvement libertaire.

  Ces vies exigeantes, intenses, "joyeuses" disait Léo Ferré, parfois tragiques, témoignent des différentes périodes, milieux et formes de l’engagement libertaire : les anarchistes les plus célèbres (Proudhon, Louise Michel) y côtoient des parcours plus modestes ; artistes et chanteurs (Pissarro, Ferré, Brassens, Cross) se mêlent aux théoriciens (Jean Grave, Sébastien Faure) ; illégalistes et propagandistes par le fait (Bonnot, Ravachol) cohabitent avec les figures fondatrices du syndicalisme révolutionnaire (Fernand Pelloutier, Pierre Monatte).

 L’équipe des rédacteurs a souhaité dépasser les frontières hexagonales en intégrant les biographies de militants suisses, belges, québécois, de ceux partis pour les États-Unis ou de militants dont l’impact ou le rôle en France furent très importants (Bakounine, Max Nettlau).

 À ce dictionnaire papier s’ajoutent plus de 2.500 biographies consultables sur le site Maitron en-ligne, auquel les acheteurs et souscripteurs auront accès.

Depuis un siècle et demi, des prémices de l’anarchie en 1840 aux années 2000, le mouvement libertaire nourrit l’imaginaire collectif et tient un rôle à part au sein du mouvement social. Ses différents courants, de l’anarchisme communiste à l’individualisme, en passant par le syndicalisme révolutionnaire et les « milieux libres », témoignent de sa diversité. Car le mouvement libertaire ne se limite ni à une doctrine, ni à une forme particulière d’engagement, et l’on a vu se réclamer de l’anarchisme aussi bien des « propagandistes par le fait » que des théoriciens, des artistes ou des ouvriers, autant de militants d’origines diverses et aux parcours singuliers.

Ces vies intenses, parfois tragiques – « joyeuses », disait Léo Ferré – sont l’illustration de la richesse du mouvement libertaire et de son histoire. Le récit de leurs engagements en témoigne. 500 biographies de militant-e-s libertaires sont réunies dans ce volume papier, et 3 200 parcours s’offrent à notre lecture sur le site Maitron-en-ligne, auquel l’achat du dictionnaire donne accès. Fidèles à l’idée d’un dictionnaire du mouvement libertaire francophone, ses rédacteurs ont inclus les militants belges, suisses, québécois, ou encore ceux partis pour les États-Unis, bien connus grâce aux travaux de Michel Cordillot. Fruit d’un projet collectif pensé par le Maitron et les Chroniques syndicales de Radio libertaire, puis piloté par une équipe de chercheurs et de militant-e-s dont Marianne Enckell, responsable du Centre international de recherches sur l’anarchisme (CIRA) de Lausanne, ce travail s’appuie sur les travaux de Jean Maitron (1910-1987), pionnier de l’histoire ouvrière et introducteur de l’histoire de l’anarchisme à l’université, comme sur ceux de l’historien de l’anarchisme et fondateur du CIRA de Marseille René Bianco (1941-2005). Les auteurs ont profondément renouvelé la connaissance grâce à des archives nouvelles et aux avancées de l’historiographie, en développant les notices, en proposant de nombreuses biographies inédites, ainsi qu’en enrichissant cet ouvrage d’une iconographie rare.

Michelle Foulquier. Pied-noire au cœur rouge

le 16 septembre 2014

Michelle Foulquier. Pied-noire au cœur rouge

Née à Oran dans une Algérie française très cloisonnée, elle devient par la suite féministe, syndicaliste et communiste. Un engagement contre les injustices jamais démenti.

En 1954 débutait la guerre d’Algérie. Pendant 8 ans elle allait bouleverser la vie de l’autre côté de la Méditerranée et déboucher sur l’Indépendance, poussant les pieds-noirs au « retour » dans un pays souvent inconnu : la France. Déracinés, nombreux sont ceux qui ont trouvé un nouveau port d’attache dans le Sud de l’Hexagone. Une part de ces rapatriés qui a soutenu l’Organisation de l’armée secrète (OAS) dans son recours au terrorisme pour maintenir la domination coloniale, a progressivement confisqué la mémoire et la parole pieds-noires. D’autres ont suivi un tout autre cheminement. 60 ans après le déclenchement de la guerre, La Marseillaise est allée à leur rencontre. Portrait de Michelle Foulquier.

Dans son jardin ensoleillé de Puyricard, Michelle Foulquier a préparé quelques notes pour retrouver le fil de son passé. La rigueur n’est pas la dernière de ses qualités, elle n’y jettera pourtant pas un regard.

Née pendant la guerre, le 17 juillet 1942 à Oran pendant qu’à Paris avait lieu la terrible rafle du Vel’ d’Hiv, Michelle Foulquier, Mondou de son nom de jeune fille, grandit à Saint-Eugène, au sein d’une famille modeste.

« J’avais un nom français mais l’essentiel de la famille comme du quartier était d’origine espagnole », témoigne-t-elle. Cadette d’une fratrie de trois filles et un garçon, Michelle Foulquier prend conscience très tôt qu’elle vit « dans une société très stratifiée où il y avait une séparation entre classes sociales bien sûr mais aussi à l’intérieur de chaque classe selon l’origine culturelle et cultuelle ».

« Nous étions, paraît-il, départements français »

Habitante d’un quartier très homogène, la jeune Michelle a peu de contacts avec les populations indigènes, « sauf les porteurs d’eau douce », très actifs dans cette ville entourée de réserves d’eau saumâtre.

« La société était très hiérarchisée. Dans mon quartier, il y avait un couple de boulangers d’origine espagnole qui prenait l’accent pointu avec ses clients pour marquer bien », se souvient-elle. Son père, ouvrier d’État à l’arsenal de Mers-El-Kébir, était quant à lui moins payé que ses collègues métropolitains. « Ils touchaient le tiers colonial alors que nous étions, paraît-il, départements français », confie Michelle Foulquier en haussant les épaules.

De son enfance, elle retient de bons moments comme ces pique-niques passés en bord de mer chaque lundi de Pâques. Au menu : « C’était paella ou caldero, une sorte de bouillabaisse espagnole, et bien sûr mouna ! », cette brioche typiquement pied-noire. À l’âge de 7 ans, elle accompagne sa grand-mère au local du PCA de Saint-Eugène, « c’était comme ça en Algérie, les enfants servaient de canne aux vieilles personnes », se remémore-t-elle avec affection. Elle n’en garde rien de politique, mais le souvenir « d’une ambiance fraternelle, presque festive, qui tranchait avec notre quotidien ».

Michelle Foulquier retient aussi les difficultés matérielles et un machisme diffus. « Les filles étaient épiées en permanence. Elles devaient faire face au poids de trois traditions : française, espagnole et arabe. Ça fait beaucoup ! », soupire-t-elle avant d’en rire. « Quand ma sœur aînée est allée faire ses études supérieures à Alger, ça a été mal vu », garantit-elle.

Des vacances en colonies ou en famille rendues possibles par les œuvres sociales de l’Armée contribuent à élargir son horizon essentiellement borné à l’environnement familial. « Nous sommes allés plusieurs fois en métropole. Il fallait d’abord faire la traversée en bateau, j’avais le mal de mer. Et puis ensuite monter dans des trains bondés. Maman me couchait dans le porte-bagages… », s’amuse-t-elle à présent.

Peu à peu le conflit s’installe en Algérie. Dans la famille de Michelle, on n’en dit pas un mot. « Ce n’était pas un tabou mais mes parents avaient une très grande pudeur. Je n’ai jamais su pour qui ils votaient », reconnaît-elle. La présence de sa grande sœur à Alger au moment de l’attentat du Milk Bar en 1956 brise très temporairement le silence. Ses parents, avant tout inquiets, sont dans l’incompréhension. « Ils n’avaient pas d’hostilité raciste, avance-t-elle, il y avait l’idée très ancrée qu’ils étaient légitimes à être chez eux là-bas. » Un sentiment fondé sur une présence en Algérie depuis plusieurs générations et renforcé par la participation du père de Michelle Foulquier au mouvement d’autoconstruction coopérative des Castors. Un quartier entier d’Oran était ainsi sorti de terre grâce à l’entraide de 450 familles, offrant à celle de Michelle le confort inédit d’une maison individuelle.

Tandis que l’Algérie s’enfonce dans la guerre, deux pains de plastic sont posés successivement dans leur jardin. L’un explose, l’autre pas. « Mon père a toujours dit qu’il s’agissait d’une erreur mais moi je crois que c’est parce qu’il était artificier à l’Arsenal et qu’il n’a pas marché dans les combines de l’OAS », estime Michelle Foulquier.

Ses parents prennent en 1961 la décision de lui faire finir son BTS à Grenoble. Elle y côtoie des étudiants engagés pour l’indépendance de l’Algérie. « C’était très difficile. Toute la réalité de la guerre m’éclatait au visage. Ils me posaient des tas de questions auxquelles j’étais incapable de répondre. J’étais perdue », confie-t-elle. Quand l’Indépendance est proclamée sa mère, son frère et l’une de ses sœurs quittent l’Algérie dans la panique ambiante avec en travers de la gorge, les promesses ambiguës de Gaulle.

« Pendant deux mois, ils ont dû loger dans des bouis-bouis en bas de la gare Saint-Charles qui ont fait fortune sur le dos des rapatriés », puis ils emménagent tant bien que mal à Grenoble. « Ils avaient habillé de papier des cageots de fruits et légumes en guise de meubles. On appelait ça le style "Louis caisse". Il nous restait une forme d’humour dans la difficulté », rit-elle encore aujourd’hui.

Le père de Michelle Foulquier resté finir sa carrière professionnelle rejoindra la France plus tard. Sa sœur aînée, universitaire et mariée à un employé d’une société pétrolière fera de même. Pour voir sa petite nièce, Michelle Foulquier traverse à nouveau la Méditerranée en 1964 puis en 1965. « Quand j’ai posé mes pieds sur la terre d’Algérie, j’ai senti quelque chose monter en moi », admet-elle non sans émotion. Mais l’entre-soi « vraiment colonial » des Européens encore présents lui déplaît.

1968, le déclic

La même année, elle est recrutée comme secrétaire à Cadarache au Commissariat à l’énergie atomique. Elle y croise de nombreux pieds-noirs qui ont bénéficié d’emplois réservés mais se tient à distance. « Il y avait parmi eux de fieffés racistes qui bouffaient du bougnoule tous les matins. Ça m’était très désagréable », lâche-t-elle avec un rictus de dégoût.

En 1968, les événements de mai lui ouvrent les portes d’une longue vie militante. « Après tout ce que j’avais emmagasiné sur l’injustice, l’exploitation capitaliste, le colonialisme et le patriarcat », c’est le déclic. Elle participe au mouvement, adhère à la CGT jusque-là clandestine dans ce site stratégique et rencontre son futur mari, Luc. Hasard du destin, le jeune ingénieur-chercheur avait secrètement participé quelques années plus tôt au réseau Jeanson des « porteurs de valises ». « Ça ne m’a pas choquée. C’était un soutien à une lutte juste d’un peuple », coupe court Michelle Foulquier.

L’année suivante elle rejoint le PCF, « convaincue qu’il faut aller plus loin, beaucoup plus loin que la lutte revendicative pour changer de société ». Elle s’installe avec Luc en 1970 avant qu’ils ne se marient en 1975. « J’ai choqué mes parents. C’était un divorcé en plus… »

Mère d’une petite Claire et militante d’entreprise infatigable, elle est élue secrétaire de cellule et contribue à faire reconnaître l’activité politique dans le site de Cadarache. Après avoir été membre de la direction fédérale du PCF, elle n’a jamais démenti son engagement communiste « plus nécessaire que jamais ».

Ulcérée par l’instrumentalisation de la mémoire de la guerre d’Algérie dans sa ville d’Aix-en-Provence, elle a rebaptisé avec son parti le rond-point Bigeard « un général tortionnaire », « place Maurice-Audin » du nom d’un mathématicien communiste disparu pendant la bataille d’Alger. Très engagée pour la paix au Proche-Orient, Michelle Foulquier qui n’est pas retournée en Algérie depuis 50 ans n’a pas renoncé à faire connaître sa terre natale à sa fille, Claire et peut-être à Manon et Nathan, ses deux petits-enfants.

Léo Purguette (La Marseillaise, le 16 septembre 2014)

Dates-clefs

1942. Naissance à Oran.
1961. Départ à Grenoble pour suivre un BTS.
1962. Arrivée d’une partie de sa famille à Grenoble.
1963. Installation en Provence.
1964. Premier retour en Algérie.
1965. Embauche au CEA de Cadarache.
1968. Adhésion à la CGT.
1969. Adhésion au PCF.
1979. Donne naissance à sa fille, Claire.
2002. Retraite.

Robert Mencherini. « Les cheminots ont joué un rôle essentiel » dans la Résistance

le 16 septembre 2014

Robert Mencherini. « Les cheminots ont joué un rôle essentiel » dans la Résistance

L’historien évoque ce soir après « La Bataille du rail », la libération de Marseille au Musée d’histoire du centre Bourse. Avec la participation de son confrère Thomas Fontaine.

Robert Mencherini, professeur des universités en histoire contemporaine et commissaire scientifique de l’exposition «  1944, la Libération » à voir au musée d’histoire de Marseille(*) évoque ce soir, dans ce même lieu, « La libération de Marseille » après la projection du très beau film de René Clément à 18h30 « La bataille du rail » (1946. 1h25).

La Marseillaise. En quoi la mémoire des cheminots résistants est-elle particulière dans la Résistance ?

Robert Mencherini. Les cheminots ont joué un rôle essentiel dans la Résistance en couvrant tout le territoire, d’une part, et parce que les chemins de fer étaient le principal moyen de locomotion. Leurs actions avaient donc des répercussions sur l’ensemble du pays. Ils sont, d’autre part, très organisés syndicalement. Les syndicats cheminots se reconstituent clandestinement, en particulier la CGT. De nombreux monuments perpétuent la mémoire cheminote, en particulier à Marseille, devant la gare Saint-Charles au square Narvik où sont répertoriés 496 noms de cheminots de la région Paca morts pendant la Seconde Guerre mondiale.

La Marseillaise. Qui étaient ces travailleurs du rail qui avaient décidé de passer à l’action contre l’occupation, le nazisme et le régime de Vichy ?

Robert Mencherini. Des gens très simples de toutes catégories. Aussi bien des travailleurs de base qui entretenaient les rails que des conducteurs et contrôleurs et une partie de l’encadrement. Ils étaient organisés au sein de la CGT et des groupes de résistants comme les Francs tireurs et partisans (FTP).

La Marseillaise. Quel rôle ont-ils joué dans la Résistance et la libération du pays ?

Robert Mencherini. Les cheminots ont participé à tous les types de résistance. Ils ont transporté des tracts et des journaux clandestins à travers le pays et de part et d’autre de la ligne de démarcation. Ils ont également joué un rôle dans la transmission de renseignements à Londres sur les mouvements de troupes allemandes et leurs armements. En sabotant les voies ferrées et en faisant sauter les locomotives, ils ont ralenti les trafics et ainsi freiné le développement de l’économie de guerre du IIIème Reich. Les cheminots ont aussi déclenché des grèves. Dans la Région, il y en a eu beaucoup, notamment en mai 1944, un grand mouvement de grève a touché toutes les usines et les moyens de transport. Le 11 août, les cheminots de Paris ont débrayé. A Marseille, la CGT a appelé à la grève générale le 19 août, quatre jours après le débarquement des alliés en Provence qui aboutira à la libération de la région. Par ailleurs, les cheminots étaient présents dans les maquis les armes à la main. Nombreux ont été tués dans les combats à la libération, à Castellane, par exemple, près des ateliers SNCF qui se trouvaient à la gare du Prado.

La Marseillaise. Y a-t-il eu des actions pour empêcher la circulation des convois de déportés ?

Robert Mencherini. Quelques cheminots ont refusé de conduire certains trains, mais ces actions étaient très minoritaires. Celui qui refusait de conduire était immédiatement remplacé, emprisonné voire déporté. Il n’y a pas eu de mouvement d’ensemble pour bloquer les déportations. Quelques convois de déportés ont été détournés par les cheminots résistants comme vers la fin de la guerre un convoi parti de Marseille et détourné en Ardèche.

Entretien réalisé par Piédad Belmonte (La Marseillaise, le 16 septembre 2014)

(*) 2, rue Henri Barbusse (Centre Bourse, 1er). Tél : 04 91 55 36 00.

Les réquisitions de 1944 contre les patrons collabos

Mercredi 1er octobre à 18h30, diffusion du film(*) « Les réquisitions de Marseille » (2004-52 minutes) au Musée d’histoire de Marseille avec la participation de Robert Mencherini et du réalisateur Luc Joulé. De 1944 à 1948, 15.000 ouvriers accèdent et participent à la gestion de leur entreprise. Dans le bouillonnement social de la Libération, ils ont mené la plus importante forme de « gestion participative » que la France ait connue, née du programme du Conseil national de la Résistance préconisant l’instauration d’une « véritable démocratie économique et sociale ». Accompagnés par l’historien Robert Mencherini, les derniers acteurs de cette aventure, dont Raymond Aubrac, à l’époque Commissaire régional de la République à Marseille, font revivre cet épisode inédit en revenant sur les lieux de leur travail. « Dans la mémoire collective, la Libération est synonyme de lutte contre l’occupant. Mais elle porte aussi en elle un profond élan de contestation sociale et politique », affirmait Raymond Aubrac.

La Marseillaise, le 16 septembre 2014

UPR. Les jeunes de l’école à l’emploi… ou au chômage

le 10 septembre 2014

Maison de la Région
61, La Canebière
13001 - Marseille

Jeudi 18 septembre à 19h

Débat organisé par « l'Université Populaire et Républicaine » avec Virginie Mora, Chargée d’étude au CEREQ (Centre d’Etudes et de Recherches sur les Qualifications)

Alors que le taux de chômage des jeunes atteint des sommets, alors que la précarité de l’emploi est trop souvent la règle pour les jeunes, il importe d’y voir clair sur les processus qui conduisent de l’école à l’emploi…ou au chômage.

Quel est l’impact du diplôme sur l’insertion professionnelle ? Quels sont les processus qui conduisent (ou pas) à l’insertion professionnelle ?

Un enjeu majeur alors que le débat sur l’école et la formation des jeunes se développe… avec chez certains des arrière-pensées bien inquiétantes !

--> Quelques données.

« Les premiers résultats de l'enquête 2013 auprès de la Génération 2010 sont disponibles. En 2013, trois ans après leur sortie du système éducatif, 22 % des jeunes actifs sont en recherche d’emploi. Il s’agit du niveau le plus haut jamais observé dans les enquêtes d’insertion du Céreq. La hausse, par rapport à la Génération 2004, est de 16 points pour les non-diplômés et de 3 points pour les diplômés du supérieur long. Toutefois, les premiers emplois ne sont ni plus précaires, ni moins rémunérateurs. »

Serge Jacquet. « L’ambition de prendre une place prépondérante »

le 09 septembre 2014

Serge Jacquet. « L’ambition de prendre une place prépondérante »

Le Président de la Mutuelle de France Plus et du groupe Solimut affiche sa détermination pour construire une alternative solidaire et responsable.

A un mois du congrès des Mutuelles de France à Dijon du 12 au 15 octobre, le Président de la Mutuelle de France Plus et Président de l’union de groupe Solimut fait le point sur le contexte économique. Contre les coups portés au système de protection sociale depuis 60 ans, il ambitionne la création d’un rapport de force à la hauteur des enjeux. Interview.

La Marseillaise. Les restrictions budgétaires et le pacte de responsabilité vont impacter les ressources de la sécurité sociale. Quelle est votre analyse ?

Serge Jacquet. Mon analyse est très sombre car la crise économique, morale, sociale et politique s’accroît. On a une énorme inquiétude sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2015. Il va s’inscrire dans la droite ligne de la politique de santé portée par la ministre Marisol Touraine et qu’elle a présentée le 19 juin. En même temps ce PLFSS va devoir prendre en compte les restrictions budgétaires annoncées avec 10 milliards ponctionnés sur l’assurance maladie. Inévitablement ce seront des coups portés à la protection sociale.

La Marseillaise. Le modèle social français est-il en danger ?

Serge Jacquet. Oui. Il y a un danger d’éclatement du système de protection sociale dans ses fondamentaux. Et on se rend bien compte que la mutualité est le quasi seul acteur dans le monde des complémentaires qui se bat pour le maintien d’une protection sociale solidaire et universelle, et qu’à chaque fois qu’on permet à l’assurantiel de gagner du terrain, c’est un recul pour la mutualité, donc des défenseurs de notre système. On est dans le droit fil d’une libéralisation rampante depuis les années 60 par des mesures qui ajoutées les unes aux autres détricotent le système. Exemple avec le forfait hospitalier qu’on cherche à rendre obligatoire aujourd’hui via les contrats responsables et solidaires des  complémentaires. S’il faut le prendre en charge pour éviter que des patients soient exclus, c’est tout de même un réel transfert de charge qui s’effectue.

La Marseillaise. Dans ce contexte la Mutuelle de France Plus prépare une rentrée offensive ?

Serge Jacquet. Les Mutuelles de France dont nous faisons partie ont effectivement la volonté d’attirer l’attention. Vu le contexte, on ne peut plus raisonner avec les organisations syndicales d’un côté, le mouvement associatif de l’autre etc. Il faut penser mouvement social. Les Mutuelles de France vont adresser un SOS si l’on peut dire, afin de créer un vrai sursaut  contre les politiques dangereuses qui sont menées. Pour que se construise un rassemblement sur un socle commun : la défense de notre système de protection sociale. La Mutuelle de France Plus s’inscrit bien évidement dans cette orientation sur son territoire, mais on est profondément porteur de la politique des Mutuelles de France et plus largement de la fédération des Mutuelles de France.

La Marseillaise. Quels seront les points forts du congrès 2014 ?

Serge Jacquet. Il aura lieu du 12 au 15 octobre à Dijon. Nous voulons initier quelque chose de tout à fait nouveau : un congrès à la fois lucide avec une analyse profonde de l’actualité et en même temps, nous voulons un congrès ouvert aux partenaires du monde associatif, syndical, de la société civile à travers des tables rondes pour réfléchir ensemble aux moyens de construire un véritable mouvement social. Il faut établir un nouveau rapport des forces sans lequel on ne peut pas s’opposer aux mauvais coups gouvernementaux. A chaque atteinte contre la protection sociale il faut qu’on soit en capacité de proposer autre chose.

La Marseillaise. Ce congrès doit nourrir une alternative. Quelle sera l’étape suivante ?

Serge Jacquet. Nous souhaitons que les propositions des Mutuelles de France puissent être débattues, largement partagées par tous les acteurs du mouvement social. Nous voulons être utiles à la société. Utiles pour rassembler, faire émerger des propositions, utiles à la mutualité parce que nous comptons dans la mutualité française. Notre ambition est bien de porter haut et fort notre spécificité sur la stratégie politique, économique et sociétale. Nous allons ainsi relancer le débat mouvement mutualiste-mouvement social. Est-ce que nous sommes un mouvement social ? Si la réponse est oui -c’est ce que nous pensons-, comment l’élargir et devenir un élément moteur ? Est-ce que nous sommes capables de nous battre contre les inégalités sociales de santé ? Je crois que ce sont de vraies questions auxquelles le congrès devra répondre. Il nous faut créer les conditions d’un grand débat public au sein de la société.

La Marseillaise. Concernant le Grand Conseil de la Mutualité quelles sont les nouveautés ?

Serge Jacquet. Le GCM poursuit son plan de redressement. Je crois savoir qu’il est en bonne voie. Dernièrement les élus qui siègent au conseil d’administration ont voté une série de mesures. Pour ce qui nous concerne, nous avons soutenu et soutenons ce plan de restructuration et nous continuons, sur le plan politique et économique dans la mesure du possible. Nous sommes en train de travailler au sein des Mutuelles de France à la constitution d’une SAS Optique Mutuelles de France qui a l’objectif premier d’y placer les centres optiques du GCM mais pas uniquement. Nous intégrerons au fur et à mesure tous les centres optiques des Mutuelles de France ce qui permettra de constituer un grand pôle optique. Dans le même temps, en sortant les centres optiques du GCM, une activité « commerciale », cela va lui permettre de devenir éligible aux aides et subventions publiques auxquelles il a droit.

La Marseillaise. Quelle place vous souhaitez occuper dans l’économie sociale et solidaire ?

Serge Jacquet. J’ai l’ambition dans cette région de permettre à la mutualité dans son ensemble de reprendre une place prépondérante dans l’économie sociale et solidaire. Parmi les acteurs de la mutualité, je souhaite que la Mutuelle de France Plus devienne le fer de lance de l’ESS en Paca car je considère qu’il s’agit, à la fois de l’essence même du mouvement mutualiste puisque nous en sommes les concepteurs, mais il nous faut aussi démontrer que l’économie sociale et solidaire peut permettre de sortir le pays de la crise en constituant une alternative en termes de développement, de gestion d’entreprise, d’emplois durables, de principes de gouvernance, etc, tout en étant performante.

Propos recueillis par Nathalie Fredon (La Marseillaise, le 9 septembre 2014)

Mutuelle de France Plus : 155.000 adhérents sur neuf régions et 57 départements. 400 salariés et 60 point d’accueil. Deux nouvelles mutuelles font leur entrée : la SMH (fonction publique et hospitalière de Lille) et la mutuelle des services publics (13).

Histoire. Marseille en août 1914

le 07 septembre 2014

Histoire. Marseille en août 1914

A l'heure de la commémoration du centenaire de la Grande Guerre, retour sur ce conflit meurtrier et marquant du XXe siècle.

La mobilisation de 1914 est l’aboutissement d’une longue course à la guerre. Les affiches de mobilisation ont été imprimées en 1904. La population qui ne croyait plus au conflit est stupéfaite. Les autorités se veulent rassurantes : le conflit sera très bref.

Il est courant dans les évocations de la mobilisation de parler de cortèges de soldats accompagnés par la foule, dans l’allégresse générale. La presse s’est réfugiée dans « l’Union sacrée » et s’impose une autocensure sévère, avant même que la censure officielle soit mise en place.

Elle se fait, effectivement l’écho de cortèges : le 1er août, depuis le Vieux-Port où est ancré « le vaisseau-école américain 'New-Port', où sont embarqués les cadets de la marine des États-Unis, les "midships" (…), les futurs de la marine américaine eurent la généreuse pensée d’organiser une manifestation en faveur de la France. Les midships louèrent à la Compagnie des Tramways une voiture motrice et deux remorques où, à l’avant ils fixèrent le drapeau étoilé des États-Unis. Les cadets en tenue prirent place à l’intérieur, où ils installèrent également au complet la musique du bord, qui exécuta sur tout le parcours l’Hymne américain alterné avec la Marseillaise »(1).

Le 2, « Des monômes, composés de jeunes gens de la classe ouvrière ont parcouru les grandes artères portant haut le drapeau français et chantant la Marseillaise »(1).

Le 3, « Un cortège imposant de jeunes gens n’a cessé de parcourir les rues en chantant des chansons patriotiques et en portant des pancartes sur lesquelles on lit : Les réformés veulent partir. La Patrie est en danger. Nous la défendrons. Vive la France ! »(1).

Le même jour, « un groupe compact d’Italiens habitant Marseille qui formés en cortège, défilaient sur la Cannebière et place de la Bourse, ayant à leur tête des drapeaux italiens et français. Le cortège s’est rendu devant le consulat d’Italie où les cris de Vive la France ! Viva Italia ! furent poussés par des centaines de poitrines »(1).

En résumé, les cortèges des premiers jours de mobilisation rassemblaient des étrangers de pays neutres, des réformés et des jeunes gens en « monômes ». En d’autres termes : aucun mobilisé.

Précisons que la « colonie italienne de Marseille » lancera un appel rappelant « ce que nous devons au vaillant peuple Français qui se mit en lutte et répandit son gentil sang latin, sur les champs de bataille de Magenta et Solferino ! ». Certains, se réclamant de Giuseppe Garibaldi, appellent à s’engager et, le 5 août, les journaux publient une première liste d’Italiens volontaires.

Par contre, le 10, un premier contingent de 305 Italiens est rapatrié et ils seront 2.000 à quitter Marseille le 12.

Le mobilisé reçoit un uniforme : le pantalon rouge-garance, une capote en drap bleu et un képi rouge. Un uniforme mal adapté visible de très loin, avec des bandes molletières en drap, d’environ 3 mètres, entourant les mollets. La tenue est trop chaude pour l’été mais pas assez pour l’hiver ; les bandes molletières et les pans de la longue capote retiennent la boue. Les soldats allemands portent des casques et des guêtres de cuir.

Un fantassin doit porter sur son dos une charge de trente kilos. Un sac aux armatures de bois et deux musettes contiennent vêtements de rechange, seconde paire de brodequins, bonnet, toile de tente et piquets, gamelle en métal, quart, gourde d’un litre, seau en toile, baguette pour l’entretien du fusil, ouvre-boîtes, trousse de couture, rasoir, pansements, ration de vivres… Sans oublier les affaires personnelles et un fagot de bois sec pour manger chaud et se réchauffer l’hiver.

L’équipement comprend en outre le fusil Lebel de 4,5 kg, une baïonnette, un porte-baïonnette et 120 cartouches. Le soldat doit porter ce barda en toute circonstance, en particulier lors des attaques.

En quelques jours, la gare Saint-Charles est devenue « le cœur de la ville. Toutes les activités y convergent ; aussi sous le vaste hall, des rames de wagons s’alignent à perte de vue ; de minute en minute, les trains formés partent emplis de soldats. (…) Plusieurs milliers de réservistes équipés sont ainsi partis »(1).

Avec tous les jours les mêmes scènes : « Les femmes ont les yeux rouges, noyés de larmes. La séparation donne lieu à des scènes véritablement émouvantes. Les enfants embrassent une dernière fois sur le marchepied des wagons le papa qui se force à plaisanter. Une femme chuchote comme le train s’ébranle : "Tu n’as pas oublié la photo ?" et cette simple phrase est, à cette minute, profondément émouvante » (1).

Des départs et beaucoup d’arrivées : « Des réservistes de toute catégorie, venus de tous les points de la région, se mêlent pittoresquement. Les uns sont vêtus de blouses, d’autres portent le costume de velours ou la cotte bleue de l’ouvrier. Le paysan se mêle au citadin, l’ouvrier au bourgeois. On remarque un grand nombre de prêtres, porteurs de valises, la soutane poussiéreuse, le chapeau en bataille, la barbe poussée, le langage dépouillé d’onction. Entre deux trains, tous ces arrivés ont fait une halte en ville. Les bars ont la bonne idée de rester ouverts toute la nuit ce qui permet à beaucoup de ces braves gens de se restaurer et de prendre un peu de repos. Un certain nombre, vers quatre heures du matin, s’étaient campés sur le quai de la Fraternité [quai des Belges], d’autres dormaient étendus sur les chaises des bars fermés (…). A la gare des messageries, on hâte l’embarquement des chevaux, voitures et autos réquisitionnés. Les soldats aident les employés et la bonne humeur se retrouve partout »(1).

Raymond Bizot (La Marseillaise, le 7 septembre 2014)

(1) Le Petit Provençal des 2, 3, 4 et 5 août 1914