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Pour 2017 rien n'est trop tard, rassemblons-nous !

le 15 September 2016

Pour 2017 rien n'est trop tard, rassemblons-nous !

INTERVIEW DE PIERRE LAURENT SECRÉTAIRE NATIONAL DU PCF

Le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent a lancé un appel à la Fête de l’Humanité. Devant le scénario de l'échec que prépare la multiplication des déclarations de candidature, il appelle à construire un rassemblement capable de créer un nouvel élan à gauche pour empêcher de nouveaux désastres et faire de 2017 une victoire populaire.

A la veille de l'année 2017, vous voilà au pied du mur…

 Pierre Laurent : C’est vrai. Le pays a besoin de changements urgents. On le voit avec éclat chez Alstom où les actionnaires continuent de faire la loi contre l'intérêt du pays. La finance a toujours trop de pouvoirs et la démocratie est malade. Le bal des prétendants pour l'élection présidentielle est déconnecté de ces urgences. Un bel avenir pour la France est possible si on récupère les richesses qui nous sont confisquées et le pouvoir de décider. Et pourtant le pire risque d'advenir. Le piège qu'on nous tend pour 2017 est dangereux pour la France.

 Quels sont ces dangers?

 Pierre Laurent: Le gouvernement Hollande a discrédité la politique en trahissant les électeurs de 2012. La colère est grande et le FN est en embuscade. Marine Le Pen n’a même plus besoin de parler, la droite et le gouvernement se chargent de lui faire une campagne sur mesure. Mais qui est Marine Le Pen ? Marine Le Pen c’est l’outrance de Donald Trump, l'ultralibéralisme de la britannique Theresa May, et le racisme de l'extrême droite autrichienne réunis. Les Républicains s’entre déchirent le temps d'une primaire, mais seront bientôt en ordre de bataille pour mener à

terme leur projet de destruction du modèle social français. Quant à Emmanuel Macron, le renard du MEDEF lâché dans le poulailler socialiste, l’homme qui fait du neuf avec du vieux et du vieux avec du neuf, il est là pour tirer encore à droite un échiquier politique qui n’a vraiment  pas besoin de ça.

 Et pendant ce temps-là, vous estimez que la gauche de progrès continue de faire tourner à plein la machine à perdre…

 Pierre Laurent : Oui et c'est fou, même irresponsable. Bien sûr que François Hollande ne peut pas rassembler la gauche. Mais pour construire une alternative forte, les candidatures ne doivent pas se multiplier à gauche mais converger. C'est ce que souhaite le pays. Au printemps, mobilisé contre la loi Travail, résistant aux divisions et aux haines, il a montré qu’il existe une majorité sociale de progrès : il est de notre devoir de la transformer en majorité politique. Divisés nous perdrons, unis nous pouvons sérieusement envisager de lever une majorité de gouvernement. Et c’est pourquoi j appelle à travailler jusqu’au bout à un pacte d'engagements communs.

Mais n’est-il pas trop tard ?

 

Pierre Laurent : Non, il ne sera jamais trop tard. Notre feuille de route est simple et notre calendrier fixé. Nous menons dans le pays une grande consultation citoyenne à laquelle des dizaines de milliers de personnes ont déjà répondu. J'invite à la remplir massivement. Aujourd'hui qui se préoccupe vraiment de la voix du peuple ? Qui ? Si ce n'est les communistes ? C'est pourtant ce qui peut être notre force pour débloquer la situation. A l'issue de ce mois de consultation, nous ferons la démonstration qu'il existe une majorité populaire pour une vraie politique de gauche, ce que j'ai appelé le pacte d'engagement commun qui pourrait unir les forces aujourd'hui dispersées. Nous n’entendons pas déserter le débat politique et présidentiel. Bien au contraire. Nous ferons nos choix en novembre. Nous ferons ce choix en responsabilité et quelle que soit notre décision nous ferons entendre la voix du Parti communiste pour le présent, mais surtout pour l’avenir. Et nous allons pousser au bout, nous allons nous donner le temps pour donner toutes ses chances à la possibilité d'une candidature unique de la gauche qui ne veut plus de  François Hollande.

Vous parler de rassembler, mais sur quelles bases cela vous paraît-il possible ?

Pierre Laurent. Nous pouvons être raccord sur l’essentiel : sur la sortie de l’austérité, sur la relance des services publics, des investissements productifs et écologiques, sur la sécurisation de l'emploi en priorité pour la jeunesse, sur la lutte contre la finance, sur la refonte de l’Europe, sur la VIème République… C’est une bonne base de départ non ? Il faut  arrêter de faire le pari fou qu’un seul individu, aussi talentueux soit-il, sera en mesure de capter à lui seul sans dynamique unitaire l’affaissement de François Hollande. Divisés, nous risquons de n'avoir que nos yeux pour pleurer. Une autre voie est possible. Rien ne se fera sans un engagement massif des citoyens dans le débat présidentiel. Allez-y, devenez acteurs, intervenez, mobilisez-vous, organisez-vous, devenez incontournables ! Vous êtes les seuls à pouvoir nous sortir du scénario infernal. Sans vous rien ne se fera. Et rien n’est encore joué. Tout peut encore changer, être bouleversé pour peu qu’on s’y investisse. Prenons nos rêves au sérieux ! Croyons en nous ! Notre force est superbe. Nous  sommes le nombre, nous sommes le peuple, nous sommes les 99 % ! 

 

 

Que demande le peuple ? La Grande consultation citoyenne continue

 C’est une enquête menée par le PCF avec l’accompagnement de l’Institut ViaVoice pour faire entendre dans le débat politique la réponse à cette question centrale que demande le peuple ? - Les communistes sont déjà allés à la rencontre de près de 200 000 personnes. Plus de 40 000 d'entre elles ont rempli le questionnaire. Nous nous donnons jusqu’au 8 octobre pour permettre la plus large participation possible.

► Le 8 octobre aura lieu la présentation des résultats et de nombreux moments de restitution de la parole recueillie pour engager le débat politique sur les bonnes bases.

► Participez en contactant les militants communistes de votre territoire ou sur www.lagrandeconsultationcitoyenne.org

« Tout doit commencer par la jeunesse », Pierre Laurent

le 12 September 2016

« Tout doit commencer par la jeunesse », Pierre Laurent

A l’Agora de la Fête de l’Humanité, le secrétaire national du Parti communiste Pierre Laurent, a tenu un discours offensif, exhortant à réaliser l’union à gauche car selon lui, « la majorité sociale existe dans le pays »

A l’Agora de la Fête de l’Humanité, le secrétaire national du Parti communiste Pierre Laurent, a tenu un discours offensif, exhortant à réaliser l’union à gauche car selon lui, « la majorité sociale existe dans le pays »

Il y a dans la situation actuelle que traverse le pays un paradoxe qui devrait inciter, à gauche, à trouver une solution à ce qui semble pour l’instant être l’impossible équation de l’élection présidentielle. C’est la conviction de Pierre Laurent, appelé, comme tous les leaders politiques de gauche, à développer sa manière de voir à l’Agora de la Fête de l’Humanité. D’un côté, il y a dans le pays, des millions de citoyens engagés dans de grands combats sociaux – la loi travail, le soutien aux réfugiés, etc.), mais d’autre part, ce que constate le secrétaire national du Parti communiste, c’est que cette «  majorité sociale » qui existe dans le pays, a du mal à trouver sa traduction au niveau politique. « Et pourtant, constate-t-il, tous ceux qui participent à ces mouvements et, plus largement, tous ceux qui les soutiennent, veulent la victoire de la gauche en 2017, pas celle de la droite. » Ce qui est au cœur de cette société « bouillonnante » selon Pierre Laurent, c’est la « République sociale », et c’est bien cette idée qu’il faut installer au cœur du projet politique. Si l’on veut parler de « l’identité de la France » - un débat par ailleurs largement pipé par la droite et l’extrême droite – c’est là qu’elle se tient, dans cette République sociale, toute l’histoire de France le confirme. Prenant l’exemple de l’accueil des réfugiés, Pierre Laurent lance qu’il faut « prendre le taureau par les cornes pour accueillir dignement les migrants, » avant d’ajouter, très applaudi : «  c’est ça l’identité de la France ! », fustigeant « ceux qui proposent de construire des murs à Calais avec l’argent des Anglais. »

Que voulons-nous être comme pays ? La question est d’autant plus brûlante que de nombreuses forces de progrès dans beaucoup de pays du monde regardent aujourd’hui la France avec inquiétude en constatant toutes les dérives dans lesquelles s’embourbe le gouvernement, sans parler de la dangereuse montée des discours d’extrême-droite et de leurs ambitions politiques. C’est pourquoi, pour Pierre Laurent, il faut « répondre par un projet de civilisation ambitieux. » Il rappelle que le Parti communiste a engagé une large consultation auprès des citoyens, d’où émane une foule d’idées dont il va falloir sortir les lignes de force pour définir les contours d’un véritable projet à gauche. C’est  cette consultation que Pierre Laurent entend utiliser comme un levier pour lever les obstacles à une véritable unité à gauche. « Si rien ne bouge », prévient-il, « c’est la droite et l’extrême-droite qui se partageront le pouvoir dans sept mois. »

Pierre Laurent a passé en revue les différents scénarios et positions possibles dans cette élection présidentielle qui - qu’on le veuille ou non -  ressemble, à gauche, à une quadrature du cercle si on la maintient enfermée dans un carcan statique. Pas question d’abord pour le secrétaire du Parti communiste d’envisager une hypothèse qui remettrait en scène le tandem Hollande-Valls. Ce sont eux qui sont responsables de la déroute actuelle. Reste donc, deux autres alternatives : «  ou bien on y va en ordre dispersé », ce qui a tout l’air de se passer actuellement, et c’est une situation dangereuse. Surtout, on le sait, dit Pierre Laurent, on abandonne l’espoir de gagner et de changer. Ou alors, on table sur une dynamique politique plus forte. » Il faut alors travailler à un scénario de convergence issu de toutes les familles de la gauche. Il y a des différences entre nous, reconnait Pierre Laurent, mais si on y accorde trop d’importance, on va au-devant d’un échec, » ajoutant qu’il sait ce qu’il a de commun avec Jean-Luc Mélenchon, mais aussi avec tous les parlementaires qui se sont opposés à la loi travail ou à la déchéance de nationalité. « Parlons plus de ce qui nous rassemble que de ce qui nous divise », c’est fondamentalement là, la mission aujourd’hui des communistes, a scandé Pierre Laurent, très applaudi, rappelant qu’il n’est jamais trop tard pour s’unir.

Sortir de la logique obsédante de l’élection présidentielle est aussi, selon lui, et malgré les difficultés qu’il va y avoir pour s’en arracher compte tenu de l’énorme pression médiatique dominante, une nécessité. Car derrière l’élection présidentielle, il y a les législatives, qui « ont la même importance ». Car la légitimité des députés vient des électeurs, c’est à eux qu’ils ont des comptes à rendre, et non pas au président de la République. C’est dans ce piège que beaucoup d’élus socialistes sont tombés au cours du quinquennat, avec les conséquences qu’on sait. Cette question se pose en même temps que celle de l’élection présidentielle, il ne faut pas la négliger. Pierre Laurent appelle donc à « ouvrir le débat des législatives dès maintenant », ajoutant que ce sera la préoccupation du Parti communiste dans l’année à venir. «  De quels députés de gauche avez-vous besoin dans votre circonscription ? » ce sera là la question, lance Pierre Laurent au public.

L’autre question centrale pour le secrétaire national du P.C.,  c’est celle de la jeunesse, qu’il place en tête de toutes les préoccupations. «  Pour la première fois, une génération vivra moins bien que les précédentes, » a-t-il rappelé, voyant là « un recul de civilisation ». Il faudra donc décréter qu’aucun jeune ne pourra se retrouver au chômage, ce qui nécessitera de « reprendre le pouvoir sur l’argent. » Pierre Laurent demande dans la foulée la nationalisation de deux grandes banques françaises, La Société Générale, et la  BNP Paribas.

(Article paru dans le journal l’humanité du 10 septembre 2016)

https://www.facebook.com/humanite.fr/videos/10154472876708695/

 

La République comme ils disent…..

le 12 September 2016

La République comme ils disent…..

Par Alain Hayot,

M. le Pen, N. Sarkozy, M. Valls ne peuvent plus tenir un discours sans faire référence à la République. Mais force est de constater que plus ils en parlent plus ils mettent gravement en cause ses fondements. De quelle République parlent-ils donc car la nôtre est bien malade : nous vivons à tous les échelons, sous une monarchie élective entachée par une corruption réelle et par un clientélisme électoral. Le spectacle politicien qu’elle offre est à l’origine du rejet populaire d’un système qui s’apparente de moins en moins à une démocratie proche des gens et de leurs  préoccupations. Où en sont les valeurs dont ils se gargarisent ?

Liberté ? L’hystérie sécuritaire qui domine tous les discours et toutes les décisions gouvernementales provoque de gigantesques reculs démocratiques au regard des droits conquis par notre peuple. Il faut protéger les populations contre la violence aveugle  mais cela ne peut justifier l’Etat d’exception permanent, attentatoire à nos libertés. Veut on ressembler à ceux qui nous menacent ? Si nous avons réussi à repousser la déchéance de nationalité, la menace sur le droit du sol se précise. Le sexisme, l’homophobie, le racisme envahissent l’espace public sans réaction officielle.

Egalité ? Dans un contexte de grandes inégalités sociales, la loi Travail va considérablement les aggraver en frappant surtout les jeunes, les femmes et les plus fragiles. Inégalités aussi des territoires, autoritairement regroupé dans d’immenses ensembles, technocratisés à l’extrême, où l’on veut enterrer la démocratie locale. C’est une France éclatée, précarisée, ségréguée qui se dessine.

Fraternité ? Une conception étatiste, autoritaire et identitaire de la laïcité est forgée. Elle s’apparente à la religion officielle d’un nouveau communautarisme national qui érige des populations, issues des migrations africaines et arabo-musulmanes, en bouc-emissaires d’une crise dont seul le capital est responsable. La France « patrie des droits de l’homme » (sic) ferme ses portes aux réfugiés de guerres dont nous sommes un des acteurs essentiels.

Cette République appelle non une restauration mais une révolution, de la cave au grenier. Pour cela il ne suffira pas de sauter comme un cabri en répétant « 6è République » pour lui redonner un sens émancipateur. Il faut répondre aux questions en débat.

Comment rendre indissociables les 3 termes du triptyque national dans la cité et dans l’entreprise? Comment en finir avec la forme monarchique et pyramidale de l’Etat ? Comment sortir du piège identitaire qui enferme la laïcité dans de prétendues guerres de religions et de civilisations ? Comment inventer un nouveau droit du sol qui intègre le droit vote des étrangers ? Comment mener réellement et concrètement le combat contre le patriarcat et toute les formes de discriminations et de violences sexistes ?

Il y en a bien d’autres mais elles finissent par se résumer à une seule : comment reprendre l’offensive sur le terrain des idées et des imaginaires afin de reconquérir l’hégémonie culturelle et inventer une société du commun? 

(chronique paraissant dans le quotidien régional « La Marseillaise »)

UN VÊTEMENT PAS COMME LES AUTRES

le 16 August 2016

UN VÊTEMENT PAS COMME LES AUTRES

Par Amar BELLAL

Assez perplexe face à certains arguments tentant de relativiser le phénomène « burkini » en tentant de comparer cette pratique avec des tenues de plongée, ou cherchant à banaliser cette pratique en qualifiant cette tenue de « vêtement comme les autres » comme l’affirme Edwy Plenel par exemple.

D’un côté il y a une nécessité physique et pratique (protéger et réchauffer son corps lors de la plongée) et de l’autre côté on a un phénomène nouveau dans l’espace public, et dont je pense qu’elle n’a rien d’anodin, rien à voir avec un fait culturel ou autre du à l’arrivée de populations nouvelles, mais plutôt à voir avec une démarche politique de revendication.

Dans les années 80-90 il y avait ce qu on peut appeler la première génération, les premiers français issus de parents « musulmans » (en gros, l’ Afrique du Nord, ceux qu’on englobe par le terme « arabe »). A l’époque, pas de Burka, je n ai jamais entendu parler de Burkini, et jamais personne dans mon entourage parmi les parents immigrés, et encore moins leur gosses, n’auraient eu un jour l’idée d avoir cette pratique, et pis, revendiquer de pouvoir l’avoir dans l’espace public. Il y avait plus ou moins (et souvent pas du tout!) tout au plus des pratiques de ramadan, de prières, mais la priorité c’était de s’insérer, de se faire accepter pour le dire vite, de s’intégrer par l’école entre autre, en étant conscient aussi qu’on vivait dans un pays avec une longue histoire, des traditions etc… Au collège on avait droit par exemple à un menu sans porc (au choix), et d’autres signes montraient qu’il y avait un vrai retour, un effort des institutions républicaines qui savaient s’adapter à des populations nouvelles: j’oserais dire que la France a pratiqué une laïcité ouverte, bienveillante on va dire.

Il faut rendre à César ce qui appartient à César.

Cela fonctionnait aussi car il y avait le pari de l’intégration et de « donner du temps au temps », pour les futurs générations. Je ne cache pas que je suis un pur produit de cette école républicaine et c’est aussi pour cela que je défend les valeurs républicaines et de laïcité, et notre système  éducatif (lourdement attaqué, je le sais…) dans ce qu’elles ont de meilleur. Bien-sûr il y avait du racisme, des discriminations à l époque, et encore maintenant…Mais il y a aussi beaucoup de bienveillance et de personnes formidables en France comme mes professeurs qui dans leur écrasante majorité nous encourageaient.

Ce qui m ‘interpelle aujourd’hui hui, c’est que 20-30 ans plus tard, en 2016, on en est à des revendications incroyables de type Burka et Burkini. Il est clair que cela ne peut pas venir des premiers arrivants ouvriers comme mes parents ni même de la première génération de français, mais bien de la 2ème voir 3ème génération, parfois de convertis qui ne sont pas du tout d’origine immigré. C’est donc une démarche qui est apparue en France et non pas importée par la culture des immigrés des années 60-70…rien à voir non plus avec un fait culturel massivement partagé par l’arrivée de populations nouvelles, mais bien le fait d’une minorité avec une démarche clairement politique et prosélyte. Disons le clairement, l’écrasante majorité des musulmans en France ressentent ces revendications comme une provocation inutile et dangereuse pour elle même : en effet, c est pain béni pour le FN ce genre de revendications, et le FN, ses idées, sont la première menace. Parfois quand j’entends les arguments de certains tendant à relativiser ces pratiques, croyant ainsi défendre les musulmans, je me dis qu’on se passerait volontiers de ce type de défense…on a même envie de leur dire : « …svp…taisez vous… ».

Si vraiment on veut défendre le vivre ensemble, avec le fait culturel musulman qui est maintenant une réalité en France, il faut clairement combattre, et ne pas leur trouver la moindre circonstance atténuante, ces prosélytes d’un mode de vie venu d’un autre âge, et que nous ne partageons pas.

AB

Roland Gori - Conférence-débat à la Maison Jean Vilar Festival Avignon 2016

le 14 juillet 2016

Roland Gori - Conférence-débat à la Maison Jean Vilar Festival Avignon 2016

Roland Gori - Conférence-débat à la Maison Jean Vilar Festival Avignon 2016

Conférence-débat avec Roland Gori initiée par le Parti Communiste Français à la Maison Jean Vilar pendant le Festival d’Avignon 2016.

Art, culture, émancipation face à la prolétarisation du peuple

Conférence-débat avec Roland Gori

Psychanalyste, animateur de l’Appel des appels

Une conférence-débat animée par Alain Hayot, docteur en Sociologue et Anthropologie, membre du CEN du PCF, en charge de la Culture pour le PCF.

Avignon, le jeudi 14 juillet 2016 

Pierre Laurent en Avignon interroge la culture, l’art, pour une émancipation du peuple

le 14 juillet 2016

Pierre Laurent en Avignon interroge la culture, l’art, pour une émancipation du peuple

Interview de Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, à la Maison Jean Vilar Festival d’Avignon 2016

Pierre Laurent en Avignon interroge la culture, l’art, pour une émancipation du peuple

Conférence-débat initiée par le Parti Communiste Français à la Maison Jean Vilar pendant le Festival d’Avignon 2016.

Art, culture, émancipation face à la prolétarisation du peuple

Conférence-débat avec Roland Gori

Psychanalyste, animateur de l’Appel des appels

Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, Maison Jean Vilar Festival Avignon 2016

Avignon, le jeudi 14 juillet 2016 

Vincent Tiberj. « Les logiques d’opinion sont différentes du passage à l’acte »

le 16 May 2016

Vincent Tiberj. « Les logiques d’opinion sont différentes du passage à l’acte »

69 questions reposées chaque année, identiques, et depuis longtemps nourrissent l’enquête annuelle sur la lutte contre le racisme. L’analyse de ce docteur en sciences-politiques sur les enseignements tirés sur le long terme.

Docteur en sciences politiques au Centre d’études européennes de Sciences po, Vincent Tiberj travaille au rapport annuel sur la lutte contre le racisme. La dernière édition fait état d’une progression de la tolérance. Retour sur des informations qui peuvent paraître paradoxales.

La dernière édition du rapport annuel sur la lutte contre le racisme publié par la Commission nationale consultative pour les droits de l’homme publiée la semaine dernière fait de 2015 une année où, contre toute attente, la tolérance a singulièrement progressé.

La Marseillaise. Le rapport souligne qu’après les attentats, le message politique (débat sur la déchéance, migrants...) n’était pas franchement à la tolérance. Or, elle a augmenté. Est-ce à dire qu’il y a une sorte « d’affranchissement » de l’opinion publique ?

Vincent Tiberj. Notre travail sur le long terme nous permet de voir qu’il n’y a pas de mécanisme simple. Ainsi, après les attentats de 1995, 2001 ou les émeutes dans les banlieues de 2005, on ne peut conclure à un effet systématique de montée de l’intolérance. Au contraire : soit il ne se passe rien, soit la tolérance monte. A une exception : les émeutes de 2005 où Nicolas Sarkozy avait résumé ces émeutes à une phénomène musulman ignorant la dimension de révolte économique, produisant une montée de l’intolérance. Après les derniers attentats de Paris, il y a eu des appels maladroits qui auraient pu amener à une libération de la parole raciste. Cela n’a pas été le cas. Pourquoi ? Il y a eu beaucoup de prises de paroles, les politiques mais aussi les associations, les intellectuels, les médias… Il est très difficile de rendre compte précisément des mouvements.

La Marseillaise. Au lendemain des attentats, le message officiel était de refuser l’amalgame entre terrorisme et islam ?

Vincent Tiberj. Les mécanismes de communication sont complexes. On cisèle un speech sans forcément savoir ce qui en sera retenu. Et, encore une fois, il y a eu beaucoup de prises de parole. La cacophonie peut parfois aboutir à de la polyphonie et déboucher sur un message clair. François Hollande a évité de faire l’amalgame, c’est à mettre à son crédit. Que cela soit passé dans la société ne peut cependant reposer sur la communication d’une seule personne. Pour le dire autrement, il n’a pas été contredit, si ce n’est pas le FN mais pas de manière suffisante pour contrer ce qui est devenu un discours dominant.

La Marseillaise. N’y a t-il pas un paradoxe entre cette montée de la tolérance et la recrudescence d’actes racistes ?

Vincent Tiberj. Dans notre enquête, une question porte sur « les Juifs de France, des Français comme les autres ». 9 personnes sur 10 acquiescent. Au sortir de la 2e guerre mondiale, la proportion était inverse. La France a beaucoup progressé sur la question de l’antisémitisme depuis les années 1940. Mais cela veut aussi dire que 10 % des gens ne partagent pas. Ce qui rapporté à la population adulte représente en gros 4 millions. Imaginez si ces 4 millions passaient à l’acte… Les logiques d’opinion sont différentes du passage à l’acte, n’ont pas la même échelle.

La Marseillaise. Et comment expliquez-vous la montée de la tolérance et la progression du vote FN ?

Vincent Tiberj. Le vote FN est indéniablement produit par du racisme et de « Le préjugé n’est pas figé. En fait, on est ambivalent. Il y a en chacun de nous des prédispositions à la tolérance, comme à l’intolérance. Cela va s’exprimer en fonction du contexte » l’intolérance. Mais heureusement, tous les racistes ne passent pas à l’acte du vote FN. En 1988, 75% des Français estimaient qu’il y avait trop d’immigrés en France. Cela n’a pas empêché, aux élections présidentielles qui ont eu lieu cette année là, François Mitterrand de gagner. C’est aussi une histoire de politisation des valeurs. Le vote de gauche repose sur la redistribution des richesses, la volonté de prélever davantage l’impôt sur les riches… pas forcément sur une acceptation de l’immigré. Cela peut donner lieu à des paradoxes mais qui sont intéressants. L’ouvrier qui vote à gauche est ainsi plutôt né dans les années 1940/1950 car il a été socialisé quand le vote de gauche signifiait s’opposer au patronat. Les ouvriers qui votent à droite sont souvent moins racistes que les premiers mais ont été socialisés dans un monde où l’on fait plus parler ses valeurs culturelles. Au final, on assiste donc à une montée du vote FN dans un pays moins raciste que par le passé.

La Marseillaise. Vous questionnez la « sincérité » des réponses et semblez conclure à une autocensure, notamment chez les gens de gauche et les plus diplômés. Cela ne peut-il pas être vu comme une armature idéologique ?

Vincent Tiberj. En sciences sociales, le concept dominant a longtemps été de concevoir le préjugé raciste comme construit dans l’enfance et lié à l’éducation. Or, nos enquêtes sur la longue durée montrent qu’il peut y avoir des variations très fortes d’une année sur l’autre. Le préjugé n’est pas figé. En fait, on est ambivalent. Il y a en chacun de nous des prédispositions à la tolérance, comme à l’intolérance. Cela va s’exprimer en fonction du contexte et peut même dépendre de l’entretien, des questions précédentes. Cela touche également à la désidérabilité sociale : ce que l’on peut dire, ce qui est exprimable. Pour exemple, au moment du mariage pour tous, il y a eu de tels propos sur la loi Taubira qu’à la question de notre entretien portant sur le fait que certaines races sont plus douées que d’autres, les réponses positives ont... doublé. Il y a eu un effet de libération de la parole. Là, nous avons constaté que « l’interdit » sur les préjugés anti-musulmans avaient augmenté.

Entretien réalisé par Angélique Schaller (La Marseillaise, le 16 mai 2016)

Serge Wolikow. « Un mouvement collectif et de promotion de l’individu »

le 03 May 2016

Serge Wolikow. « Un mouvement collectif et de promotion de l’individu »

L’historien revient sur le contexte dans lequel le Front populaire est arrivé au pouvoir et a mis en place des mesures de transformation sociale. Et, malgré sa mise à mal et les renoncements, sur son héritage encore présent dans la société française actuelle.

La Marseillaise. Dans quel contexte, le Front populaire accède-t-il au pouvoir en 1936 ?

Serge Wolikow. Le Front populaire a d’abord été un mot d’ordre, puis un projet politique, puis un mouvement social et enfin un gouvernement. A l’origine c’est une réaction contre la droite et le fascisme. L’extrême droite menait la riposte face à la faillite de la gauche au pouvoir dirigée par les radicaux. En février 1934, les ligues d’extrême droite vont vouloir en finir avec la République. Mais le 12, des grèves lancées par la CGT, la CGT-U et l’appui de forces politiques (PC, PS), vont défendre les libertés démocratiques et contrer les ligues. Politiquement, au sein du PS et du PC, les courants pour l’unité l’emportent. Le PC prend l’initiative de l’unité d’action et propose le 27 juillet 1934 un pacte contre le fascisme. Les responsables communistes Marcel Cachin et Maurice Thorez lancent le mot d’ordre : Front populaire pour le pain, la paix et la liberté. Ce mouvement obtient le feu vert de l’Internationale communiste. Il englobe aussi les radicaux, même s’ils gouvernent avec la droite. En 1935, ce mot d’ordre devient un programme politique aux Municipales. Les organisations anti-fascistes se rassemblement autour du 14-Juillet pour prêter serment contre le fascisme. Dans cet élan, on assiste à la réunification entre CGT et CGT-U. Un programme électoral est signé. Il porte sur des aspects sociaux (diminution du temps de travail, hausse des salaires), économiques (réforme fiscale) et politiques (défense des libertés, interdiction des ligues).

La Marseillaise. C’est cet esprit qui l’emporte au soir du 3 mai 1936 ?

Serge Wolikow. Oui, même si ce n’est pas un raz- de-marée de la gauche. Elle bénéficie du mode de scrutin qui lui donne une majorité de fait. On assiste de plus à un nouveau rapport de forces au sein de la gauche. Le PC double ses voix et passe de 10 à 72 Députés, les radicaux perdent un tiers des voix et des députés. Le PS devient le premier parti à gauche.

La Marseillaise. Pour quelles raisons les usines se mettent alors en grève ?

Serge Wolikow. Les tractations pour former un gouvernement durent trois semaines. Pendant ce temps, il ne se passe rien. C’est là que les grèves éclatent, avec occupation. Ce n’est pas une grève générale mais une généralisation de la grève à partir de protestations contre les licenciements de syndicalistes après les défilés du 1er mai 1936. Les revendications incorporent le programme du Front populaire mais vont au-delà. Début juin, le gouvernement invite patronat et syndicats à négocier. Les Accords de Matignon permettent l’entrée en vigueur des premières mesures.

La Marseillaise. Quelles sont-elles ?

Serge Wolikow. L’accord prévoit : revalorisation de salaires, diminution du temps de travail à 40h hebdomadaires, reconnaissance des représentants du personnel, conventions collectives par branche obligatoires, deux semaines de congés payés, création d’un office public pour garantir le prix du blé. S’ajoutent la prise de contrôle de l’Etat sur le conseil d’administration de la Banque de France et des nationalisations. Très vite, à l’été 36, le Parlement vote les lois. La grève durera jusqu’à mi-juin, pour accompagner la mise en place du gouvernement que les communistes soutiendront, sans participation.

La Marseillaise. A quand remontent en revanche les premiers signes de reculs ?

Serge Wolikow. La guerre d’Espagne est l’exemple le plus révélateur des difficultés du Front populaire. Franco lance un putsch le 18 juillet 1936. Léon Blum défend la non-intervention, ce qui favorise les franquistes qui bénéficient, eux, de l’aide de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste. L’argument de Blum est qu’il ne faut pas généraliser la guerre. Les radicaux sont aussi sur cette position. Les communistes et la CGT en revanche défendent les Républicains espagnols et s’engagent dans les Brigades internationales. Mais d’autres facteurs expliquent les difficultés du gouvernement : le manque de moyens pour réaliser son programme. Dès l’été 36, le gouvernement ne par- vient pas à endiguer la fuite des capitaux et abandonne sa réforme fiscale qui reposait sur des prélèvements sur les grosses fortunes. La balance commerciale est négative. Le gouvernement va dévaluer le franc, recevant les critiques des communistes. Blum décrète une pause dans les réformes. Cela crée une nouvelle division. Au printemps 1937, il demande au Parlement des moyens financiers pour mener sa politique. Le Sénat refuse, il démissionne. A partir de là, les radicaux vont diriger au nom du Front populaire mais selon une politique de stagnation. L’aggravation de la situation en 1938 conduira à l’éclatement du Front populaire.

La Marseillaise. Malgré tout, l’héritage du Front populaire va-t-il perdurer ?

Serge Wolikow. Les militants de 36, qui avaient défendu le Front populaire, vont garder ces références dans la Résistance puis dans le programme du Conseil national de la Résistance. Le régime de Vichy avait, lui, fait le procès de 36. Le programme du CNR tire les leçons du Front populaire en associant cette fois réformes sociales et structuration économique nouvelle (nationalisations dans l’énergie, les banques…). A la Libération, le monde ouvrier se réconcilie avec la République et bénéficie de meilleures conditions d’existence. Il n’oublie pas et montre un attachement aux idéaux progressistes et démocratiques. Il fait confiance aux organisations syndicales et politiques qui portent ces valeurs.

La Marseillaise. Aujourd’hui, cet héritage est disputé, notamment à gauche.

Serge Wolikow. Oui, il subit souvent une instrumentalisation en associant les réformes à Blum et au Parti socialiste, en oubliant ses erreurs ainsi que le rôle des communistes. La principale leçon à retenir est que pour mobiliser contre l’extrême droite il faut proposer des contenus politiques et sociaux, contre la misère et l’individualisme. Il faut mobiliser pour et pas uniquement contre. Le Front populaire a démontré qu’il était possible de défendre à la fois le progrès social et le progrès économique. Aujourd’hui on a tendance à opposer les deux, à réduire les formes collectives de mobilisation. Alors que le Front populaire a été un mouvement collectif mais également de promotion de l’individu.

Entretien réalisé par Sébastien Madau (La Marseillaise, le 3 mai 2016)

Serge Wolikow est historien, professeur émérite de l’Université de Bourgogne. A paraître ce mois-ci : « Le Monde du Front populaire », aux éditions du Cherche-Midi.

Lina Chocteau. « La jonction avec les quartiers est difficile mais nécessaire »

le 29 April 2016

Lina Chocteau. « La jonction avec les quartiers est difficile mais nécessaire »

Lina Chocteau, la Présidente du comité local d’Attac La Ciotat, porte un regard à la fois lucide et encourageant sur le mouvement social, la presse et son quotidien régional, entre deux Nuits debout, un débat sur « les coopératives comme alternative au capitalisme ».

« Je dois voir pour l’intervenant du débat, les lampes à gaz pour Nuit debout, faire une relance par mail, aussi… » Lina Chocteau fait le tour de son emploi du temps des prochaines heures, sur le feu, toujours, « et demain je suis à la manif… », poursuit-elle, avec le sourire. La Présidente d’Attac La Ciotat marque cependant une pause lorsqu’on lui demande le rapport qu’elle entretient avec l’information, « je dois prendre deux heures par jour, je suis sur-informée… et parfois, paradoxalement, j’éprouve une frustration à ne pas aller au fond des problèmes, de trop les sur- voler », ponctue-t-elle. « De temps en temps, il faudrait s’arrêter de lire tous les journaux, pour réfléchir par soi-même disait Lévi-Strauss », un des ses auteurs favoris, « lorsque je faisais de l’ethnologie, quand j’étais petite ! » Depuis les lectures s’enchaînent, nationaux, mensuels, hebdos, fils d’infos, groupes de discussion thématiques et son régional de l’étape.

« Voir comment "la Marseillaise" allait en rendre compte »

Et la voici en train de se replonger dans « La Marseillaise » du jour. « J’ai forcement lu l’article sur le Tafta, même si je suis informée sur le sujet par ailleurs, j’avais envie de voir comment "La Marseillaise" allait en rendre compte. » Son quotidien, c’est évidemment « le local et le régional », essentiel, ici, à La Ciotat et Ceyreste mais pas que, loin de là. « Pour voir par exemple, ce qu’il se passe à Martigues, comment une ville peut être dynamique. » C’est tout l’avantage du décloisonnement des locales de proposer ce nouvel éventail. « Cela oblige aussi à lire l’ensemble plus attentivement plutôt que d’aller dans "sa page" systématiquement », stipule cette lectrice assidue. « Mais je passe sur les pages sports... sauf le tennis et la natation ! »

« Ma place est plus dans les mouvements sociaux »

Avec cette passion pour la politique qui l’anime, cette énergie dingue mise au service de l’altermondialisme, cet esprit intrinsèquement démocratique, Lina Chocteau ne s’est pourtant présentée à aucune élection, à l’exception anecdotique des municipales à Ceyreste, en 2014, sur la liste d’opposition et à une position non éligible. « Je pense que ma place est plus dans les mouvements sociaux ; j’ai l’impression que si je devenais une élue quelconque je me ferai broyer par le système… Localement, il y des expériences citoyennes très intéressantes qui sont menées comme à Seillans, mais cela demande une volonté politique énorme. »

Ce vendredi soir, encore, elle rejoindra les participants de la deuxième édition de Nuit debout, « c’est un mouvement qui me redonne de l’optimisme, même si je ne sais pas comment cela va évoluer », s’interroge-t- elle avant de vilipender, une fois de plus, « ces médias qui n’en montrent que le côté négatif ». Certes, « la Nuit debout dans les quartiers Nord a été un semi-échec, quand les habitants disent qu’ils sont debout depuis 40 ans et que rien ne se passe, il faut l’entendre. La jonction sera difficile à faire mais elle sera nécessaire », souligne-t-elle, sans se départir de son indéfectible optimisme.

Sylvain Fournier (La Marseillaise, le 29 avril 2016)

Mayotte. La 101e roue du carrosse

le 23 April 2016

Mayotte. La 101e roue du carrosse

Outre-mer. Voilà dix jours maintenant que l’on entend reparler de ce petit bout de territoire français qu’est l’île aux Parfums, dans l’archipel des Comores. Pourtant, malgré les 8.000 kilomètres…

Une île lointaine, une administration post-coloniale, une grève générale, du grabuge. Et puis subitement, la violence, le drame et l’envoi de la troupe. Alors que Mayotte se retrouve sous des projecteurs pas toujours braqués dans la bonne direction, entretien avec Nicolas Roinsard, sociologue au Cresppa(*) et spécialiste des inégalités en outre-mer.

La Marseillaise. Qu’est-ce qui vaut à Mayotte l’actualité qui nous remonte jusqu’en métropole ?

Nicolas Roinsard. Au départ, il s’agit d’un mouvement social, porté par les syndicats, ayant évolué en deux semaines vers une grève générale sur le mot d’ordre d’« égalité réelle », une notion évoquée dans l’Hexagone mais très significative dans cette île de l’océan Indien. Puis, le mouvement s’est fait déborder par une jeunesse incontrôlable, dans un contexte de hausse généralisée de la violence et de la délinquance mahoraise. En marge du conflit, un homme, métropolitain, s’est fait agresser par trois « jeunes » en allant chercher son fils à son club de judo et en est mort. Ce qui a suscité un fort émoi dans la société locale au point qu’une « marche blanche » a été organisée samedi dernier à Kaweni, où a eu lieu le drame.

La Marseillaise. Que recouvre cette revendication d’« égalité réelle » ?

Nicolas Roinsard. Mayotte, qui est devenu le 101e département français en 2011, souffre d’inégalités criantes vis-à-vis de la métropole ou des autres territoires d’outre-mer. Et ce, dans tous les domaines. Pour vous donner quelques exemples, le code du travail n’y représente que 25 % de la législation observée dans l’Hexagone et l’on y travaille toujours à 39h par semaine ; les prestations sociales -du RSA aux retraites- sont minorées de 50 à 75% et on relève 18 médecins pour 100 000 habitants, là où sur le continent ce même ratio est de 201. Par ailleurs, le chômage atteint 19% sur l’île contre 10,5% en métropole et l’illettrisme concerne quasiment 50% de la population, alors qu’il touche seulement 3,7% des métropolitains. Les Mahorais demandent donc un alignement du droit local sur le droit national.

La Marseillaise. C’est une situation peu connue, comment expliquer de si grands écarts ?

Nicolas Roinsard. Cela fait partie du rapport ambigu qu’entretient Paris avec ce territoire. L’idée a toujours été de garder une présence géopolitique et des droits maritimes dans la zone mais de différer dans le temps l’alignement de la société sur le droit commun. Nicolas Sarkozy tablait sur 25 ans, François Hollande l’a ramené à 15 ans. Un état de fait qu’avait très bien résumé en son temps Aimé Césaire au sujet des quatre autres Dom : « des départements à part et non à part entière ». Ce qui transparaît d’ailleurs dans les différentes appellations officielles de Mayotte qui se sont succédé au fil des décennies. Quand le processus de départementalisation de Mayotte a commencé, il y a 5 ans, le gouvernement a avancé ne pas vouloir déstabiliser l’économie locale, avec en filigrane, le spectre d’une démobilisation au travail car le chômage et la sous- qualification étaient importants. Mais d’une manière générale, cela participe d’une logique d’économie des dépenses de l’État, sur fond de paternalisme post-colonial qui est encore très présent à Mayotte.

La Marseillaise. Un accord a finalement été signé le 15 avril entre l’intersyndicale et la ministre des outre-mer, George Pau-Langevin. Est-ce qu’il suffira à calmer la crise ?

Nicolas Roinsard. Non, pas du tout. Les Mahorais, français de choix et qui attendaient énormément de la départementalisation, se sont toujours sentis comme des « sous-citoyens », face aux tergiversations gouvernementales. Aujourd’hui ce sentiment semble être à son paroxysme. Or, cet accord prévoit que le code du travail s’applique en 2018 et programme une revalorisation des salaires des fonctionnaires. Le reste est renvoyé à des négociations ultérieures. C’est un premier pas mais on est loin de « l’égalité réelle ». Surtout, les négociations n’ont porté que sur les questions d’ordre syndical. Rien n’a émergé concernant la situation de la jeunesse. D’ailleurs la grève, ne s’est pas éteinte, elle est suspendue.

La Marseillaise. Justement, les violences qui ont éclaté durant la contestation ne traduisent-elles pas une crise plus profonde liée à cette jeunesse ?

Nicolas Roinsard. Effectivement. Ce à quoi on assiste n’est pas un « simple » mouvement qui dégénère en fin de manifestation mais un véritablement phénomène de violence qui ressort à l’occasion de cette contestation. Et lorsque l’on regarde les chiffres de la délinquance, les jeunes en sont effectivement pour les trois- quarts les auteurs. Ce qui pose problème car Mayotte repose sur une société portée par sa jeunesse. Et là encore, le rôle de l’État est prédominant. Il y a un paradoxe particulièrement éclairant pour comprendre la situation : la jeunesse est sur-représentée dans la société -avec 50% de moins de 17 ans- alors qu’elle est sous-représentée dans les politiques publiques, tout simplement inexistantes. La seule chose qui lui est dédiée, c’est l’école, or pour beaucoup elle s’arrête à 16 ans, reste peu investie et est totalement débordée. A côté, il n’y a aucune politique de la jeunesse et là aussi, si l’on compare avec la métropole, on note une mission locale disposant en moyenne d’un conseiller pour 600 jeunes, là où en métropole, il y en a un pour 130. Idem pour les MJC,etc. Résultat, un habitant sur trois de plus de 15 ans n’a jamais été scolarisé et c’est encore le cas d’un moins de trente ans sur cinq ! Quant au chômage, dans cette classe d’âge, il atteint 60%. Comme partout le terreau de la violence urbaine c’est cette violence sociale.

La Marseillaise. Dès lors, pour vous, par quoi passe une réelle pacification de l’île ?

Nicolas Roinsard. Pour un sociologue, c’est une hérésie de voir un État abandonner sa jeunesse à pareilles inégalités. Je pense qu’une solution digne de ce nom devra passer par l’éducatif. C’est à mon sens un investissement indispensable. Il est en train de se reproduire à Mayotte ce qui s’est passé ailleurs en outre-mer : d’un côté une ruralité en déclin qui vient grossir un chômage urbain de masse ; de l’autre une transformation de l’économie vers l’emploi public trusté par les métropolitains. Un pur système de reproduction des inégalités qu’au contraire l’éducation peut enrayer : former la jeunesse locale pour lui permettre d’intégrer l’activité rémunératrice de son île.

Propos recueillis par Frédéric Dutilleul (La Marseillaise, le 23 avril 2016)

(*) Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris (unité mixte de recherche 7217 du CNRS, université Paris 8 Vincennes Saint-Denis et université Paris Ouest-Nanterre).

Une rebelle française à 95% musulmane

La crise mahoraise ne peut se comprendre sans un minimum de recul historique.

Mayotte est colonisée par la France au début du XXe siècle puis devient en 1946 un territoire d’outre-mer en compagnie des trois autres îles de l’archipel des Comores. Alors que la dynamique des indépendances ébranle à son tour ce quatuor régional dans les années 60, Mayotte, en conflit avec ses trois « sœurs » s’oriente au contraire vers un séparatisme et se tourne vers la France. Ainsi, lors du référendum du 2 décembre 1974, Mayotte fait le choix de rester française à 63,8% tandis que Grande Comore, Anjouan et Mohéli goûtent le sel de la liberté.

S’en suivra des décennies de conflit géopolitique entre la nouvelle république régionale et l’Onu d’un côté -condamnant la sécession mahoraise au nom du principe fondateur de la « charte de décolonisation » d’intangibilité des frontières- et Paris et Mayotte de l’autre, revendiquant l’autodétermination des peuples.

Imbroglio

La population réitérant à maintes consultations son « oui à la France », l’« Hippocampe » finit par devenir département d’outre-mer le 31 mars 2011. Mais ni l’union des Comores, ni les Nations-unies ne reconnaissent encore aujourd’hui la souveraineté française sur l’île.

Un imbroglio d’autant plus complexe que si la défiance à l’égard des Comores reste donc un pilier fondateur de la construction politique de la société locale, les échanges culturels et migratoires se moquent eux, des frontières. La religion majoritaire, l’islam, est également un facteur de cohérence régionale indiscutable, même si Mayotte s’illustre par une conjugaison particulièrement vertueuse du Coran au regard des impératifs républicains tandis que les Comores pratiquent un islam clairement politique.

Frédéric Dutilleul (La Marseillaise, le 23 avril 2016)

La fabrique du danger

La nécessité de se pencher sur la jeunesse mahoraise est d’autant plus urgente que l’intégrisme religieux n’est pas loin rapporte Brigitte Bonin, éducatrice spécialisée qui a longtemps travaillé dans l’archipel et effectue encore aujourd’hui de nombreux allers-retours entre la Provence et l’île aux Parfums. Intervenant dorénavant auprès d’associations, elle s’alarme elle aussi d’une détérioration galopante des conditions de vie à Mayotte. Mais elle pointent également le « choc culturel » délétère qui résulte ces dernières années d’une politique d’assimilation sans nuance. « On a tellement voulu asseoir la République de force sur cette société que l’on a déstructuré son organisation, neutralisé l’autorité parentale et cassé la figure du cadi », sorte de chef-juge musulman inhérent à la société mahoraise,rapporte-t-elle. Résultat, la déshérence culturelle vient doubler la déshérence économique. Un cocktail explosif au regard « du discours fanatique » de l’ex-Président de l’union des Comores, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi qui selon elle est en train de pénétrer cette jeunesse en lieu et place de des valeurs démocratiques.

Et d’appeler, dans ce contexte particulier, à ré-associer les religieux à la dynamique sociale afin qu’ils puissent rouvrir un dialogue entre les jeunes et la République.

Frédéric Dutilleul (La Marseillaise, le 23 avril 2016)

Les derniers faits

30 mars. Mayotte est paralysée par la reprise d’une grève générale intersyndicale réclamant l’« égalité réelle ». La préfecture condamne les barrages routiers et menace.

12 avril. De premières violences urbaines secouent Mamoudzou, le chef-lieu de l’île. Le lendemain le ministère de l’Intérieur envoie des renforts policiers.

15 avril. Les représentants de l’intersyndicale, reçus à Paris, signent un accord avec le ministre des outre-mer. La grève est « suspendue ».

16 avril. Mayotte se réveille avec la gueule de bois : un « mzoungou » (un métropolitain) a été tué à coups de couteau la veille au soir par trois jeunes dans une agression crapuleuse.

19 avril. Dans le cadre d’une journée « île morte », plusieurs milliers de personnes manifestent dans les rues de Mamoudzou pour dénoncer la violence.

La Marseillaise, le 23 avril 2016