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Université d'été d’Attac. « Renforcer et unifier le mouvement social »

le 29 août 2015

Université d'été d’Attac. « Renforcer et unifier le mouvement social »

Clôture. Le rideau est tombé sur cette Université d'été d'Attac 2015 organisée à Marseille. Et après ?

L'avis est unanime. Le rendez-vous est « réussi » tant au niveau des conditions que de la participation. « Au-delà de nos espérances » s'enthousiasme même Hervé Thomas, coordinateur de cette Université, ravi du soutien logistique des équipes de la Fac Saint-Charles et de la dynamique que le rendez-vous a pu impulser au sein de ses équipes.

« Nous avons accueilli un millier de personnes, plus des trois quarts venant d'en dehors des Bouches-du- Rhône dont de Grèce, d'Espagne, d'Islande et du Maghreb » précise encore Hervé Thomas sur la base des fiches d'inscriptions recueillies.

Il apparaît également que plus d'un tiers des gens présents n'étaient pas membre d'Attac, et la majorité avait plus de 40 ans même si la présence de nombreux jeunes a conforté les organisateurs dans leur projet de lancement d'Attac Campus !

Quatre jours qui ont donc boosté le moral de tous, participants comme organisateurs. Tous ont les yeux désormais tournés vers demain.

Et demain, justement, de quoi sera-t-il fait ? Si les porte-paroles d'Attac avouent volontiers ne pas en attendre grand chose, la COP21 (du 30 novembre au 11 décembre) est déjà dans tous les esprits avec de nombreux rendez-vous et manifestations en amont, pendant et après la conférence. Une mobilisation qu'ils espèrent très forte.

« Nous pensons à Attac que le mouvement social a un rôle majeur. Sans lui, et les politiques eux-mêmes le reconnaissent, les avancées sont beaucoup plus difficiles et parfois impossibles », détaille Dominique Plihon, porte-parole de l'association. « L'histoire nous montre que les grandes avancées, en matière de droits sociaux notamment, sont toutes venues de pression, de manifestations, parfois extrêmement dures, du mouvement social. Or celui est aujourd'hui malheureusement en partie divisé, et pas suffisamment fort. Notre conviction est qu'il faut le renforcer et l'unifier. Ce qui va se passer à la COP21, c'est cela. Et cela ne s'arrêtera pas… »

« Sur la question du climat, c'est la première fois qu'il y a une unité aussi large », acquiesce Geneviève Azam, également porte parole du mouvement. « La coalition nationale qui prépare les manifestations de décembre, regroupe 130 associations et syndicats. Il n'y a, chez les syndicats, que FO qui n’est pas présent. Cela couvre un spectre extrêmement large. » Nettement plus large en tous cas que sur d'autres sujets bien que tout soit lié. Et en premier lieu la question sociale. « Nous n'avons pas de coalition de cette nature sur des sujets plus spécifiquement sociaux », reconnaît Geneviève Azam qui donne en cela l'exemple grec, grand sujet de cette Université d'été. « L'échec d'Aléxis Tsipras est aussi celui de l'insuffisance d'un soutien citoyen populaire européen ». « L'expérience de la Grèce est assez instructive », conclut Dominique Plihon. « Il y a un problème de lien, notamment entre le mouvement social et les élus. Nous allons observer aussi de près ce qui se passe en Espagne avec Podemos. Il y a des réactions de plus en plus fortes dans les sociétés avec l'aggravation de la crise et ces politiques insupportables. Nous œuvrons à l'intérieur de ces mouvements pour aider à la prise de conscience, au développement d'instruments intellectuels et d'engagements concrets sur le terrain pour que les choses bougent, tout en ayant la volonté d'être une force de propositions ».

Christophe Casanova (La Marseillaise, le 29 août 2015)

Alors d'Attac ?

« Je m’attendais à être surprise ». Élyse Ayrault, région parisienne : « Je suis venue ici pour avoir des informations, des connaissances. Beaucoup de gens travaillent sur différents sujets, mais ce qui m'intéresse particulièrement c’est tout ce qui touche au climat, au problème du dérèglement climatique et aux impacts sur la nature et sur les activités humaines. Je suis venue aussi chercher des personnes à rencontrer et avec qui discuter de projets, notamment des mobilisations qui auront lieu pendant la COP21. L’idée est de voir ce qu’on peut faire à travers le monde entier. Concrètement, pour lutter contre le réchauffement climatique et pour la justice sociale. J’ai assisté à pas mal de conférences et d’ateliers, j’ai aussi beaucoup discuté avec des personnes qui tiennent des stands. J’ai eu des informations plutôt que des réponses, en venant ici je m'attendait à être surprise ».

« L’ouverture intellectuelle ». Quentin Couix, membre d'Attac campus à Paris : « Attac Campus est une organisation qui se donne pour mission prioritaire de faire connaître le projet politique d’Attac au sein des Universités par l’organisation de conférences, de débats, d’ateliers. Je suis venu ici pour l’ouverture intellectuelle et les débats sur tous les sujets, mais aussi sur les préoccupations et les raisons de s’indigner aujourd’hui contre la question du réchauffement climatique et des paradis fiscaux. Les débats ont été très riches sur tous les ateliers, je suis donc assez content. C’est ma première fois à l’université d’été mais sinon je vais régulièrement aux autres événements qu’organise Attac, par exemple les coordinations nationales des comités locaux puisqu’on se réunit en comité dans les différentes grandes villes. »

« Plein de sujets différents ». Jacques, membre d’alternatiba à Exeter en Angleterre : « Je suis venu pour l’université d’été mais aussi pour passer mes vacances en France. J’attendais d’avoir de nouvelles idées, d’échanger avec des personnes sur différents sujets, sur différentes alternatives. Par exemple sur la dette, sur la crise économique, sur la crise du climat et j'emporte toutes ces idées avant de retourner en Angleterre. J’ai beaucoup aimé la conférence sur les négociations climatiques en vue de la COP 21. C’était très intéressant parce que finalement je n’avais pas autant d’informations sur le sujet. L’université d’été est super, il y a plein de sujets différents, c’est un peu dommage qu’il y ait plusieurs conférences en même temps et qu’on ne puisse pas toutes les faire mais c’est vraiment chouette. J’ai appris plein de choses, j’ai pris beaucoup de notes... »

« Un moyen de s'informer ». Élise, étudiante à Lille : « J'étais venue à l’université d’été précédente à Paris mais sans être adhérente. Je trouve que c’est une occasion extraordinaire de confronter des points de vue. J’ai appris énormément de choses que j’ignorais complètement. J’ai l’impression qu’on jette délibérément une opacité sur ces sujets, on estime que les simples citoyens ne peuvent pas les comprendre, comme le fonctionnement des banques, la création monétaire. Je pense qu’Attac insiste beaucoup sur sa mission d’éducation populaire même si certains séminaires sont assez techniques. Quand on vient ici, le fait d’entendre des gens parler directement, cela donne un investissement affectif un peu supérieur, peut être qu’on est alors plus enclin à s’engager que si on a simplement lu l’information sur un livre. C’est un bon moyen pour s’informer. »

« Rencontrer les intervenants ». Lina, comité local d'Attac La Ciotat : « Depuis quelques mois j’ai aidé à l'organisation de l’université d’été. Je suis là depuis le début pour l’installation, l’accueil, aider à la buvette… J’ai pu suivre de temps en temps quelques séminaires et ateliers, on est très contents de la fréquentation de l’université. On a l'impression que c’est un gros succès, plus de mille personnes sont passées. On vient chercher une certaine confirmation, rencontrer les intervenants que nous connaissons mais qu’on n'a pas vraiment l’occasion de rencontrer de près. On vient cher- cher un peu de savoir. On est à l’université pour apprendre, pour des informations que l’on n'a pas forcément ailleurs, que l’on veut confirmer, ou pour les discussions. Pour que des gens puissent apporter une certaine contradiction à ce que nous disons et qui enrichissent forcément le débat. »

Recueillis par L. Hoffet et V. Volume (La Marseillaise, le 29 août 2015)

Université d'été d’Attac .Austérité, dette, climat: même combat

le 29 août 2015

Université d'été d’Attac .Austérité, dette, climat: même combat

A l’occasion de la conférence sur le climat de Paris -la COP21- le message ciblera spécifiquement les responsables du dérèglement climatique.

« Attac s’est engagé dans les négociations climatiques en 2008. A l’époque, cela a suscité beaucoup de critiques arguant que les associations environnementalistes étaient pléthores. Aujourd’hui, cette question ne se pose plus. On a compris qu’avec la lutte contre le réchauffement climatique, on est au cœur de la vie en société, du comment nous voulons vivre ensemble sur cette terre que nous ne pouvons pas échanger contre une autre. C’est un sujet au centre de toutes les luttes et ces universités d’été ont particulièrement réussi à faire la jonction entre toutes les préoccupations : la finance, la Grèce, la catastrophe écologique en cours ». Geneviève Azam, universitaire Toulousaine suivant les négociations climatiques depuis 2008 pour Attac, a introduit la plénière de clôture qui s’est déroulée hier.

Son cheval de bataille -la jonction des luttes- a effectivement trouvé de quoi galoper durant ces universités mais aussi durant les interventions de cette plénière. « Nous devons fédérer nos luttes », a ainsi clamé Nnimmo Bassay, personnalité internationalement reconnue d’une ONG du Niger, dans un message vidéo. « La bataille que nous devons mener pour le climat rassemble toutes les luttes, celle contre l’austérité, contre l’autoritarisme, contre le libre-échange », a estimé pour sa part Pablo Solon, ancien ambassadeur de la Bolivie dans les négociations climatiques de l’ONU. « Le TAFTA concerne d’abord une réécriture des règles de commerce et d’investissement, il veut donner des droits immenses aux multinationales, empêcher les États d’écrire des réglementations, s’écrit entre les États-Unis et l’Union européenne en excluant les autres pays… Mais il est aussi totalement incompatible avec la lutte contre le réchauffement climatique », confirme Amélie Cannone, membre d’Attac et d’Aitec (association de techniciens et d’experts). « Il va libéraliser le commerce des énergies fossiles entre les USA et l’UE et on parle ici du pétrole bitumineux du Canada qui transitera par les États-Unis et des gaz de schiste américains. Il va faire exploser le transport des marchandises ».

« Des conférences de pollueurs »

Ces universités ont d’ailleurs permis d’annoncer de nombreuses manifestations à venir, autour de la dette, du TAFTA, l’austérité, mais aussi à l’occasion de la Conférence internationale sur le climat qui se déroule à Paris en décembre, la COP21.

Les personnalités africaines et sud-américaines se montrent très dubitatives. « Les COP existent depuis longtemps, elles sont devenues des conférences de pollueurs », affirme ainsi Nnimmo Bassay. « Au début nous avions beaucoup d’espoir mais COP20, 21, 22… 3000 ! Maintenant, assez », tranche Pablo Solon. Peu d’attente aussi, sur le texte qui en ressortira. « Pas de contraintes, plus de marchés carbone, la promotion des nouvelles technologies… Le texte sera parfait, mais pour les transnationales », déplore le Bolivien. « Nous avons toutes les informations. Pourquoi les COP n’agissent pas pour interdire les énergies fossiles, imposer des accords contraignants et de vrais objectifs ? » interroge encore Nnimmo Bassay. « En 2009, nous nous étions battus sur le texte mais depuis, tout a changé », confirme Geneviève Azam. « Les pays industrialisés ont refusé d’honorer leur dette écologique et sont contre tout accord contraignant. Cela a signé la dissolution de la communauté internationale. Désormais, on a une somme de déclarations volontaires d’États. C’est très libéral. A l’instar de Margaret Thatcher, qui disait que l’état n’existe pas et qu’il n’y a que des individus, on n’a désormais plus de communauté internationale mais une somme d’États ». Sachant que sur 196 pays qui composent la conférence, seuls 46 ont rendu leur copie à ce jour. Des propositions analysées par des scientifiques qui estiment que cela conduirait à une augmentation insoutenable de 4, 5 ou 6° d’ici la fin du siècle. Bien loin de la limite des 2° que s’étaient pourtant fixés collégialement les États. « Ce ne sera pas la baisse des émissions de gaz à effet de serre qui sera discutée à Paris », synthétise Geneviève Azam.

D’où le changement de braquet des militants. « Notre message va pointer la responsabilité des industriels et des lobbies qui ont colonisés l’ONU », ajoute la toulousaine. « Nous allons mener une campagne contre les énergies fossiles. 80% des réserves trouvées doivent rester dans les sous-sols si on veut avoir une chance de rester sous la barre des 2° d’augmentation ». « Les grandes entreprises d’hydrocarbures devraient être exclues des COP car ce sont des criminels climatiques », insiste Nnimmo Bassay. Le terme est aussi utilisé par Pablo Solon : « il faut parler des crimes mais aussi des criminels climatiques », avant de conclure : « notre slogan peut paraître abstrait, "Changeons le système pas le climat". Mais il invite à la réflexion car cette crise est l’occasion pour nous de réfléchir au rôle de l’être humain et aux conséquences du capitalisme ».

Angélique Schaller (La Marseillaise, le 29 août 2015)

La financiarisation de la nature décryptée

Un débat sur la financiarisation de la nature a été organisé jeudi. Les économistes Geneviève Azam, Jean-Marie Harribey et Christophe Bonneuil se sont attelés à expliquer ce que cela signifie concrètement et les origines historiques de cette évolution. Quelques idées développées :

Trois étapes. « Il y a trois étapes, la monétarisation, la marchandisation et la financiarisation. Prenons l’exemple de l’eau. Une municipalité qui veut faire payer l’eau qu’elle distribue avec éventuellement des tarifs selon l’usage (boire ou remplir une piscine). Il s’agit de la monétarisation. Si elle confie cette tâche à une entreprise, on passe à la marchandisation. Si on émet des titres, on financiarise ».

Rareté et propriété. « Il s’agit de transformer la nature en bien économique. La notion de rareté est centrale dans la définition d’un bien économique. Comment instaurer cette rareté ? Par la destruction ou en instaurant un droit de propriété intellectuelle ».

Un prix. Un bien suppose un prix. Comment fixer la valeur ? Les travaux pionniers sont ceux du Canadien Robert Costanza qui en 1997 estime la valeur des services rendus par les écosystèmes entre 16 et 54.000 milliards de dollars par an. Il y a deux ans, une étude chiffre à 22,9 milliards de dollars les services rendus par les chauves-souris. Comment ? Les chauves-souris dévorent les insectes. On estime que le coût des insecticides non répandus grâce à leur présence est de 22,9 milliards. Des estimations existent aussi pour les fonctions chlorophiliennes d’une forêt, pour les océans, la pollinisation…

Obligations catastrophe. On assiste à la création de nouveaux titres financiers : les obligations catastrophes, une forme d’assurance pour tous les risques importants type inondation, sécheresse... Bref, tout ce qui arrive avec le réchauffement climatique. Ces obligations sont à haut risque et donc à rendement élevé. Certains suggèrent que les États pourraient les émettre directement, d’autres qu’il faudrait en émettre pour les particuliers.

La Marseillaise, le 29 août 2015

Une lutte collective

Si l’on n’attend pas grand chose en termes de résultats concrets de la Conférence internationale sur le climat qui va se tenir en décembre à Paris, l’événement a le mérite de cristalliser et d’offrir une tribune aux luttes planétaires et aux mobilisations pour inverser la tendance du réchauffement climatique. Il faut s’emparer de ce moment pour, au-delà de l’alerte, porter haut les revendications pour le droit de vivre bien.

Que la crise climatique soit liée à l’activité humaine ne fait plus de doute. Mais tous les humains ne sont pas responsables de la situation. L’écrasante majorité des femmes et des hommes subissent cruellement et dans leur chair les effets d’un système financier mondialisé responsable des émissions de gaz à effet de serre (GES) et de l’exploitation à outrance des ressources naturelles.

Les solutions pour arrêter la course aux profits ne se trouvent pas dans le capitalisme vert qui, ne nous leurrons pas, va s’offrir une belle vitrine avec la COP21. Car le système est en effet suffisamment cynique et fort pour trouver dans la crise climatique de nouvelles sources d’enrichissement et de renouvellement. La voie de l’avenir, certes complexe mais certainement la plus sûre, est dans la capacité des citoyens à s’emparer de cet enjeu pour réclamer d’autres choix et un autre système. C’est à dire une autre politique. Une politique radicalement en rupture avec le libéralisme. Exiger d’autres choix réclame la naissance d’une mobilisation collective.

A ce titre, les progressistes ont une responsabilité importante et historique pour fédérer et impulser un mouvement de fond capable de renouer avec les luttes émancipatrices qui ont permis les conquêtes sociales. Car la bataille pour le climat est bel et bien une bataille pour la transformation sociale et pour une société juste et solidaire. La prise de conscience de cet enjeu est fondamentale.

Françoise Verna (La Marseillaise, le 29 août 2015)

Mohamed Ben Saada. « Une démocratie dévoyée »

le 28 août 2015

Mohamed Ben Saada. « Une démocratie dévoyée »

Ce militant des quartiers Nord de Marseille intervenait hier dans l'atelier "Quartiers populaires et démocratie". Interview.

Mohamed Ben Saada de l’association "Quartier Nord-Quartiers forts", est manipulateur radio dans la vie. Après plus de deux heures de débat dans l’atelier « Démocratie et quartiers populaires » devant une salle pleine, il a répondu à nos questions.

La Marseillaise. Est-ce qu’il n’y a pas de démocratie dans les quartiers Nord de Marseille ?

Mohamed Ben Saada. Il y a une forme de démocratie complètement dévoyée dont on se contente, je le dis sans aucun détour : une démocratie qui repose sur le clientélisme. Il faudrait trouver un nom spécifique à cette forme parce que quand on veut citer des exemples de dénis démocratique, on a toujours en tête des destinations lointaines. Mais il suffit de regarder la manière dont la vie politique s’organise ici, comment les échéances électorales se déroulent dans nos quartiers. Même de façon périphérique, dans la façon dont les gens continuent à harceler les citoyens qui vont voter, à deux mètres du bureau de vote... Il y a une chape de plomb qui repose sur une relation purement clientéliste. On fait fi de tout ce qui est l’engagement citoyen : les convictions, le fait que l’on soit pour tel ou tel parti, le fait que l’on ait telle ou telle vision du monde. Tout ne repose alors plus que sur : « Si je vote pour toi, tu me donnes quoi ? Un emploi, un appartement... »

La Marseillaise. Mais est-ce que cela ne touche vraiment que ces "quartiers" ?

Mohamed Ben Saada. Cela touche principalement les quartiers populaires dans la vulgarité des procédés. On n'y prend pas de gants. Souvent les médias font référence, lors des élections, à des anomalies dans des bureaux de vote, mais on passe rapidement parce qu’on considère qu’il s’agit de zones où les droits et la démocratie… sont ce qu’ils sont et qu’on y peut rien. Mais ce clientélisme est, à mon sens, le plus abjecte car il repose sur la misère des gens. Après, je suis d’accord. Le clientélisme touche d’autres populations, je ne peux pas dire que cela n’existe pas ailleurs. Dans les quartiers Sud, tout aussi brutalement, le clientélisme prend la forme de promesses du type : « Ne vous inquiétez pas, votez pour moi et il n’y aura pas de logement social ici ».

La Marseillaise. Que faudrait-il faire demain pour réinstaurer une dose de démocratie dans les quartiers ?

Mohamed Ben Saada. Demain, ce n’est pas possible. Le délai est trop court... A mon sens, il faudrait repartir sur des programmes nationaux d’éducation populaire qui soient menés de façon volontariste par les acteurs politiques, les organisations, les syndicats, pour outiller les générations à venir, et faire en sorte que l’éducation populaire, comme elle avait été pensée et organisée en 1947, redevienne ce qu’elle est : le moyen de donner à des jeunes adultes des outils d’appréhension et de compréhension du monde dans lequel ils vivent, pour se forger une opinion.

La Marseillaise. On dit que les services publics ont laissé ces quartiers en friche. Mais pourquoi cette action d’éducation populaire n’existe plus non plus ?

Mohamed Ben Saada. C’est le serpent qui se mord la queue. Tout est lié. Les élus, malgré les promesses qu’ils font, voient vite que sur les territoires où ils sont élus, il n’y a pas beaucoup de votants et ils n’ont donc pas une pression électorale forte. A ces endroits où l’abstention atteint des records, l’engagement et les promesses de service public qui devraient faire partie du contrat social entre les élus et les citoyens, restent donc des chimères… La blague qui court dans nos quartiers, c’est que dès qu’il sont élus ils changent d’opérateur téléphonique.

Propos recueillis par Christophe Casanova (La Marseillaise, le 28 août 2015)

Université d'été d’Attac. Toujours sans foi ni loi

le 28 août 2015

Université d'été d’Attac. Toujours sans foi ni loi

Finance. Les conséquences de la crise de 2008 n’ont pas été tirées par les dirigeants européens. Pistes de réflexion en débat pour mettre le système financier au pas.

On allait voir ce qu’on allait voir. Après 2008 les dirigeants européens juraient tous que les mesures qui s’imposaient pour prévenir les risques financiers seraient prestement mises en œuvre. Un certain Nicolas Sarkozy avait même fait la promesse –risible– de « moraliser le capitalisme ».

En 2015 rien n’a changé, « aucune leçon n’a été tirée de la crise ». C’est le triste constat fait par Attac qui organisait hier un forum pour débattre de propositions visant à mettre les banques au service de l’intérêt général.

« Pendant la crise certaines banques étaient too big to fail, trop grosses pour faire faillite, présentaient un risque systémique et ont donc été sauvées quand bien même elles avaient eu des attitudes condamnables », rappelle Esther Jeffers qui a participé à la rédaction du Livre noir des banques. « Or aujourd’hui, les entités bancaires sont plus grosses qu’avant la crise ! », souligne-t-elle.

« J’ai passé douze ans dans les salles de marché »

À ses côtés, Frédéric Hache de l’ONG Finance Watch qui se présente comme un « contre-lobby financier à Bruxelles » est un repenti. « J’ai passé douze ans dans les salles de marché », confesse-t-il avant de dénoncer l’inexistence de réelles régulations. « Les mesures prises sont micro-prudentielles, c’est-à-dire qu’elles visent à rendre les entités bancaires, prises individuellement, plus robustes. Mais rien n’a été fait pour réglementer le système financier dans son ensemble », indique-t-il. Pire, selon lui les critères imposés aux banques, comme l’augmentation de leurs fonds propres ont même contribué à l’expansion du « shadow banking », ces activités bancaires « de l’ombre » parce qu’elle sont exercées par des entités qui ne sont pas des banques mais des assurances, des fonds de retraites… et par conséquent qui ne sont pas soumises aux mêmes exigences.

Quant à l’économiste Dominique Plihon, il n’est pas favorable « à titre personnel », à augmenter le niveau des fonds propres des banques pour sécuriser le système financier. « En réalité en augmentant ces fonds propres, on augmente le pouvoir des actionnaires et ce sont leurs exigences de rentabilité qui poussent à des activités toujours plus risquées », explique-t-il. En revanche, il martèle la proposition phare d’Attac : séparer les banques de détail et d’affaires.

Par ailleurs, l’économiste revient sur la proposition fondatrice d’Attac : la taxation des transactions financières, dite taxe « Tobin ». « Dans les années 1990 la Colombie et le Chili l’ont mise en place, un peu plus tard ce fut au tour de pays d’Asie, pour tirer les leçons de la crise financière qui les avait touchés. En Europe, l’Italie et la France la pratiquent mais à un niveau tel qu’elle n’est là que pour faire croire qu’on a fait quelque chose », résume-t-il. « Elle ne touche pas le trading à haute fréquence, ni les produits dérivés », précise-t-il avant de lancer : « savez-vous quel pays freine le plus pour l’adoption d’une directive européenne instaurant une taxation sur une base plus large ? La France ! »

Pour Dominique Plihon, c’est le fait d’une consanguinité inquiétante entre les hauts cadres de Bercy et ceux des structures financières.

Dans le public, un participant doute de l’opposition États-Commission européenne. « Les commissaires émanent des États, s’il y a des désaccords, c’est à la marge », estime-t-il. Esther Jeffers lui répond : « L’Europe a souvent bon dos, nous combattons le discours qui vise à dédouaner les dirigeants nationaux car sur eux, nous avons encore le pouvoir du bulletin de vote ».

Socialisation des banques ou contrôle social ?

« Toutes les modifications proposées ne pourront être valables que lorsqu’on imposera la socialisation des banques ! » estime un militant. Dominique Plihon préfère parler de « contrôle social » exercé par des conseils associant « représentants des actionnaires privés ou publics, des salariés, des usagers, de la société civile... »

Dans le public, un homme pas vraiment d’accord prend le micro pour le dire : « Je suis peut-être naïf, mais je pense que celui qui a le pouvoir c’est celui qui a la propriété ». Un jeune homme commente à mi-voix : « celui qui a le pouvoir c’est celui qui a le rapport de force ». Même si elle ne résout pas tout, la propriété ce n’est pas rien dans le bras de fer. Les banquiers l’ont bien compris.

Léo Purguette (La Marseillaise, le 28 août 2015)

Université d'été d’Attac. Les communs, remise en cause de la propriété

le 28 août 2015

Université d'été d’Attac. Les communs, remise en cause de la propriété

Économie. Idée ancienne passée aux oubliettes, les communs redeviennent l’objet d’attention de la part des économistes, comme une opportunité pour remettre en cause les fondements du marché.

« Les communs, c’est quand il y a au moins trois choses : une ressource mise en commun, la distribution du droit de propriété entre des participants, les uns ayant un droit d’usage, d’autres d’exploitation ou de commercialisation et tous ayant aussi des obligations. Et enfin une structure de gouvernance qui va veiller à la reproduction de la ressource à long terme ». L’économiste Benjamin Coriat campe le débat hier après-midi à une tribune qui rassemble Jean-Marie Harribey, Hervé le Crosnier et Mathieu Montalban. Un commun, ce peut être un lac, un pâturage, une forêt… Mais aussi un bien immatériel. « C’est un autre monde mais les gens ont eu la même démarche. Ce sont ceux qui ont fait le logiciel libre quand dans les années 1980 certains privatisaient les codes source, introduisaient la propriété privée sur l’immatériel. Ils ont refusé cela. Ils ont réintroduit un droit de partage entre le fabricant et l’usager » pose encore Benjamin Coriat.

Des exemples différents permettant de pointer un élément essentiel : les biens rivaux. « Dans le cas d’internet,le fait d’écouter une musique n’empêchera pas un autre de le faire. Dans un lac, pêcher un poisson oui. Cela suppose des logiques différentes. Dans le premier cas, il faut enrichir continuellement la ressource, dans le second la préserver » développe l’économiste. L’opportunité aussi d’aborder la question sous l’angle de la connaissance scientifique, objet commun par excellence. Quoique, comme se permet de le rappeler Mathieu Montalban : « Le communalisme, le désintéressement et le scepticisme organisé relève d’une vision... enchantée ». Et d’expliquer le rôle de la science dans la construction des représentations, la mise en place de modèles dominants, l’ouverture de marchés... Des points d’autant plus importants à décrypter qu’aujourd’hui les scientifiques sont convoqués pour participer à des choix qui relèvent de la justice, de l’éthique, de la politique.... et non plus simplement alimenter les connaissances. Un élément à garder en tête au moment d’aborder aujourd’hui la plénière de clôture qui porte sur le climat.

Des communs pas forcément biens communs

La définition de Benjamin Coriat repose sur les travaux de la prix Nobel Elinor Ostrom qui en 2009 a remis le sujet à la mode. « Elle est alors intervenue suite à la demande d’un organisme qui s’interrogeait sur les causes du déclin de la productivité dans les zones tropicales. Et la conclusion a été oui, ce déclin était bien lié à l’abandon des communs ».

Mais cette définition n’est pas la seule comme le rappelle Hervé le Crosnier car le sujet interroge partout dans le monde. « Aux États-Unis on appelle communs ce qui relève ici du domaine public. Mais si chez nous c’est pour protéger, outre-Atlantique c’est plus pour se servir. Ainsi, les semenciers ont considéré pouvoir transformer les semences puisqu’elles étaient des communs » commence celui qui organise un festival des communs du 5 au 18 octobre prochain. Et de poursuivre « en Amérique latine, les communs désignent ce qui était pré-existant et doit être protégé. En Italie, cela désigne un espace d’expression des droits fondamentaux ».

Ces communs sont différents du bien commun qui « est un bien dans la caractéristique est que si on y touche, un grand nombre de personnes en seront affectées » définit encore Benjamin Coriat. L’un peut aller avec l’autre, mais pas forcément. Ainsi, cette définition s’applique opportunément au climat. Pourtant, « ce climat n’est encore pas un commun. Il le deviendra quand on aura trouvé une gouvernance qui est vraiment vocation à protéger la ressource » ajoute l’économiste.

« Une alternative au marché »

Si Hervé le Crosnier voit dans le sujet « la substance pour créer un nouvel imaginaire politique », il se fait déborder par l’enthousiasme de Benjamin Coriat qui y voit « une alternative au marché. Les communs remettent en cause la propriété privée telle que définie dans le code civil. Ce sont un instrument novateur de la gestion des ressources et un support puissant pour renouveler la démocratie car il n’y a pas de communs sans citoyenneté ». La propriété privée mais aussi publique est ciblée. Et d’aller jusqu’à affirmer : « c’est une alternative au capitalisme qui fournit aussi des éléments de réponse à la crise du communisme ». Des éléments qui ne manquent pas de faire réagir le public et l’obligeront à préciser : « tout n’a pas vocation à devenir des communs. Il y a des sujets comme l’éducation qui doivent évidemment rester dans le service public ». Et de se lancer alors dans une discussion avec Jean-Marie Harribey sur la double origine des biens communs, celui qui l’est « par nature » et celui qui l’est devenu par délibération, par construction sociale. Les deux économistes ont, un temps, oublié le public. Une personne se charge de leur rappeler par un « eh, on est là ! » en toute sympathie.

Angélique Schaller (La Marseillaise, le 28 août 2015)

Travail en commun

Les pistes pour construire un autre monde sont au centre des débats de l’Université d’Attac qui se clôture aujourd’hui par la question centrale du climat. Centrale car le réchauffement climatique est l’ultime effet du capitalisme. L’humanité est en danger à cause d’un système reposant sur l’exploitation et des hommes et de la planète. Ces deux exploitations n’en font qu’une, le recto et le verso d’une même médaille. Cette réalité est remise en cause, violemment, par ceux qui protègent les intérêts privés et l’accumulation des richesses. Explorer d’autres manières de vivre ensemble, de produire et de gérer est donc un enjeu de taille. Toutes les réponses et chemins défrichés ne se valent pas mais la réflexion sur la notion de « communs » esquisse un avenir soutenable, équitable et vivable pour tous. Gare cependant à ne pas définir à l’emporte-pièce cette notion a priori généreuse.

La construction de communs ne peut s’affranchir de l’apport des luttes historiques notamment de la conquête des services publics. Ils sont aujourd’hui à reconquérir et à démocratiser. Les « acquis sociaux » sont nés de hautes luttes et le service public ce n’est pas le privé. L’un est au service de l’intérêt général, l’autre des seuls intérêts particuliers. La place et le rôle des citoyens est centrale dans cette réflexion et les mouvements à construire pour une société égalitaire et solidaire. Et lorsque l’on dit citoyens, on entend tous les citoyens.

Françoise Vera (La Marseillaise, le 28 août 2015)

Susan George. « Il est encore possible d’empêcher le Tafta »

le 27 août 2015

Susan George. « Il est encore possible d’empêcher le Tafta »

L’essayiste altermondialiste et présidente d’honneur d’Attac intervenait hier dans un forum sur le thème « Combattre le libre-échange ». Interview.

La Marseillaise. Pour combattre le libre-échange, faut-il supprimer l’organisation mondiale du commerce (OMC) ?

Susan George. Pas forcément, ce sont les règles qui doivent être modifiées. Il aurait fallu suivre les recommandations de Keynes dans les années 1940 qui proposait qu’un pays disposant d’un excédent commercial pendant un nombre d’années et à un niveau donné soit contraint de réévaluer sa monnaie pour vendre moins. Système inverse pour les pays en déficit commercial durable et sévère. Ce système de régulation aurait eu l’avantage de faire payer les États les plus riches ou de les contraindre à tenir compte de leurs partenaires, mais beaucoup d’obstacles empêchent sa mise en œuvre aujourd’hui. Le système de résolution des différends de l’OMC est, avec plus de 500 cas, maintenant très utilisé. Or certaines décisions empêchent des régulations très utiles. Les États devraient avoir un droit absolu à réguler certains secteurs, je pense aux domaines sanitaire, alimentaire, à la protection de l’environnement… Par ailleurs l’OMC est devenue une chambre d’enregistrement d’accords bilatéraux, 3400 à ce jour. Il y a bien pire que l’OMC elle-même.

La Marseillaise. Pire que l’OMC, c’est l’accord de libre-échange transatlantique Tafta ?

Susan George. Oui cela remonte même au Nafta, portant sur le libre-échange en Amérique du Nord il y a 20 ans avec des effets néfastes sur l’emploi très visibles. Il permettait déjà aux multinationales d’attaquer des États pour les contraindre à verser une compensation ou à vider leur législation de leur contenu au non de la libre concurrence.

La Marseillaise. Est-il encore possible d’empêcher le Tafta ?

Susan George. Oh oui ! On nous avait dit que tout serait bouclé en 2014. Maintenant ses promoteurs reconnaissent qu’il ne sera pas possible de le faire passer en 2015. Les États-Unis, semblent avoir renoncé à déboucher pendant le mandat d’Obama. Et pourtant, au plan géopolitique le Tafta compléterait le TPP (accord de libre-échange transpacifique) et les placerait au centre des échanges mondiaux. Les États-Unis seraient ainsi placés en position de force face aux pays émergents, la Chine notamment.

La Marseillaise. Comment les citoyens peuvent- ils peser dans la bataille ?

Susan George. L’Union européenne a refusé notre initiative citoyenne contre le Tafta mais nous continuons la collecte de signatures. Nous en sommes à 2,5 millions. Nos actions d’éducation populaire portent leurs fruits. Nous avons atteint le quota de signatures dans 20 pays. En France nous l’avons dépassé à 500%, en Allemagne à 1.600%. Restent les pays baltes et la Roumanie notamment. Nous déposerons les pétitions en octobre malgré le refus de l’UE et poursuivront la campagne jusqu’au retrait de l’accord. C’est à portée de main tant il y a quelque chose à détester dans cet accord pour chaque citoyen : OGM, normes sociales, sanitaires, gaz de schistes… L’Europe est à la peine pour justifier le Tafta, elle a renoncé à utiliser l’argument des bénéfices de l’accord pour l’emploi et la croissance depuis qu’un jeune universitaire a montré très simplement que les projections en la matière avaient été réalisées à partir d’un modèle conçu par la banque mondiale et supposant… le plein emploi. Ce qui n’est pas exactement la situation vécue dans les pays de l’Union européenne. Je crains néanmoins que les pro-Tafta finissent par emprunter une voie de contournement de la contestation. Il est possible qu’ils s’entendent sur l’essentiel et signe un « accord amendable », c’est-à-dire qu’ils feraient ensuite passer année après année, amendement après amendement, les dispositions les plus contestées aujourd’hui. Il faut être vigilants et continuer à faire du bruit.

Propos recueillis par La Marseillaise, le 27 août 2015

Université d’été d’Attac. Climat et/ou emplois

le 27 août 2015

Université d’été d’Attac. Climat et/ou emplois

Urgences. Peut-on hiérarchiser les luttes pour le progrès social, le développement de l’emploi et contre le changement climatique ? S’opposent-elles ? Débat avec des syndicalistes.

Son rapport « un million d’emplois climatiques » commence à faire du bruit hors du Royaume-Uni. Clara Paillard qui l’a co-rédigé était hier à l’université d’été d’Attac pour en débattre. Le raisonnement de la militante, membre du syndicat britannique PCS, est assez éloigné du discours dominant sur l’économie verte. Elle réhabilite l’idée de « nationaliser l’énergie et les transports » pour en faire des secteurs locomotives d’une transition écologique créatrice d’emplois. « Dans notre rapport nous montrons que créer un million d’emplois sur 20 ans coûterait 19 milliards de livres par an. On n’a bien su en trouver 800 pour sauver les banques », lance-t-elle.

Parfois douloureuse sur le terrain, l’articulation entre social et écologie va pourtant de soi pour Clara Paillard. « Nous avons revendiqué et obtenu des représentants "verts" dans les entreprises », témoigne-t-elle. Ces délégués du personnel d’un genre nouveau sont chargés de négocier la réduction des émissions de CO2 et de l’impact environnemental des entreprises en lien avec le développement de l’emploi et la préservation du cadre de vie. À l’initiative de son organisation, le congrès des syndicats britanniques a adopté en 2013 une résolution exigeant un moratoire sur les gaz de schistes.

« Nous ne sommes pas là pour dire aux travailleurs des secteurs polluants qu’il faut supprimer leurs emplois. Eux-mêmes prennent conscience de la nécessité de maîtriser et d’anticiper une transition. Par exemple le syndicat Cosatu des mineurs d’Afrique du Sud a repris l’idée d’emplois climatiques », s’enthousiasme-t-elle.

Dans l’assistance une dame tempère : « ici à Gardanne, il y a le projet de centrale à biomasse du groupe E.ON. Ça implique la déforestation et le collectif qui s'y oppose a failli se battre avec la CGT. La Mairie qui par ailleurs est très bien et communiste soutient le projet. Voilà on en est là ». « En même temps, E.ON pratique une répression très forte sur les délégués CGT », complète un militant au fond de la salle.

Pour Clara Paillard, il faut précisément éviter d’alimenter les clivages entre les travailleurs ou entre salariés et riverains. « C’est le lien pollueur-exploiteur » qu’il faut mettre en évidence, estime la syndicaliste en annonçant une réunion de la Confédération syndicale internationale dont la CGT est membre le 13 septembre à Paris en vue de la COP21. À ses côtés, Didier Aubé de Solidaires, insiste sur l’enjeu de conquérir « un nouveau statut du salarié » pour sécuriser les parcours de ceux qui travaillent dans les secteurs en transition.

« Quand on vit avec rien, la décroissance ça ne passe pas »

Thomas Coutrot, porte-parole d’Attac, interpelle Clara Paillard depuis le public : « il y a des incohérences dans ce rapport. Comment baisser les émissions de CO2 en augmentant la production d'électricité ? Par ailleurs, quid de la décentralisation du système énergétique ? Ce que tu proposes reste très concentré. Tu parles du public mais que ce soit l’État ou le privé qui gère ce n’est pas toujours très différent », affirme-t-il.

Josiane Dragoni de la FSU, dans le public également, n’est pas tout à fait d'accord : « Je ne vois pas comment construire quelque chose de cohérent à partir d'un assemblage de coopératives locales ».

Un participant allemand, appelle quant à lui à la responsabilité individuelle : « pourquoi payer EDF quand on est contre le nucléaire ? Moi je suis passé à Enercoop ». Dans une salle très homogène socialement sa voisine l’interrompt pourtant : « C'est deux fois plus cher ! Quand on se chauffe à l'électricité, il faut avoir les moyens ! » Une autre militante l'appuie : « je me méfie du discours de culpabilisation des citoyens ».

Répondant à Thomas Coutrot, Clara Paillard considère que « quand on vit avec rien, la décroissance ça ne passe pas » et rappelle que « si on veut des éoliennes, il faut produire de l’acier ».

Plus généralement, la syndicaliste de Liverpool reconnaît que le système capitaliste attise les oppositions entre les travailleurs, les usagers, les riverains et glisse : « Il y a des contradictions, bien sûr, pour les dépasser je suis pour la méthode dialectique, celle de Karl Marx ». Voilà une piste.

Léo Purguette (La Marseillaise, le 27 août 2015)

Université d'été d’Attac. Sortir du piège de la dette

le 27 août 2015

Université d'été d’Attac. Sortir du piège de la dette

La sortie de l’euro s’est invitée dans ce débat sur les dettes publiques. Pour continuer la pédagogie, Attac organise une conférence européenne sur le sujet le 16 octobre prochain à Bruxelles.

« L’actualité financière montre que tout se met en place pour une nouvelle crise qui risque d’être plus violente que celle de 2008. D’où l’importance de mener le débat sur la dette qui est même un facteur d’instabilité pour la zone euro. Concevoir un plan pour sauver l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la France serait impossible ». Le débat sur les dettes publiques a été introduit par Thomas Coutrot, porte-parole d’Attac. Pour mener la réflexion, l’association prépare une conférence européenne citoyenne sur la dette le 16 octobre prochain à Bruxelles. Analyser les dettes et examiner les alternatives sont les deux premiers angles de la conférence, le troisième portant sur « l’échelle pertinente pour la mise en œuvre de ces alternatives, au niveau national, de manière unilatérale, avec quelles modalités » liste Thomas Coutrot avant de préciser : « c’est le point qui fait le plus débat. C’est en somme la possibilité d’un plan B. Mais tout dépend de la dynamique. S’agit-il d’un repli national ou d’une manière d’engager la confrontation avec les institutions européennes ? Sur ce point, la Grèce a permis de faire avancer les consciences ».

« L’antidote au venin nationaliste »

Ce « repli national » constitue d’ailleurs pour Cédric Durand, économiste, la « seule bonne raison d’avoir peur d’une sortie de l’euro car c’est un vrai risque. L’antidote au venin nationaliste est d’aborder le problème non en terme de nations mais de classes. C’est de cela dont il s’agit : les classes dominantes en Grèce ont tout fait pour faire capoter le référendum. Tous les salariés, quel que soit le pays, sont mis en concurrence par des taux d’emprunt inappropriés... » La seule car… toutes les autres sont « mauvaises : ce ne serait pas facile mais ce ne serait pas non plus un choc insurmontable. Une dévaluation est quelque chose qui, à court terme, aide les économies, dope la croissance et fait baisser le chômage ». Pour lui, l’affaire est entendue : « on ne pourra sortir du piège de la dette sans prendre le contrôle de la monnaie, même si la sortie de l’euro n’est pas un but en soi ».

Ce « piège de la dette », les intervenant se sont employés à le décrypter. Loin des explications cantonnant cette dette à une explosion des dépenses publiques et sociales, Juan Laborda, économiste à Podemos explique que « en Espagne, la dette privée est bien plus importante que la dette publique, mais elle l’a contaminée parce que l’on a renfloué les banques devenues déficitaires suite à la bulle immobilière ». « Les cas de figure ne sont pas tous identiques. En France et en Grèce ce sont davantage les taux d’intérêt élevés des années 1990 et la baisse orchestrée des recettes publiques à partir de 2000 qui sont responsables. Mais socialisation des pertes privées, évasion fiscale, fuite des capitaux, baisse des recettes sont présents partout, à des degrés divers » complète Thomas Coutrot.

Les audits de la dette

Pour connaître les « spécificités » de chaque dette publique, rien ne vaut un audit citoyen et public. Une initiative a été lancée à l’échelle européenne dès 2011 partant de Grèce. « La mobilisation a d’abord été importante puis s’est peu à peu enlisée, notamment parce que le sujet a été lié au débat sur la sortie de l’euro » analyse Éric Toussaint du CADTM (Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde) qui a participé à de nombreux audits, dont celui de l’Équateur qui a permis à Rafael Corréa de racheter à vils prix de nombreux titres, ou l’audit de la dette grecque qui a connu une fortune plus diverse.

« Cet audit grec a été très médiatisé. Il a suscité un engouement dans la population mais des réticences des organisations et la démarche a été abandonnée » développe Éric Toussaint. Pas par tous puisque la Présidente du Parlement grec Zoé Konstantopoulou organise une nouvelle réunion de cette commission vérité du 22 au 25 septembre prochain, soit juste après les élections, au Parlement si elle n’a pas été démise ou, à défaut, dans un lieu public d’Athènes.

« La dette est un combat difficile, c’est un enjeu clé et il y a des forces adverses puissantes, y compris chez ceux qui devraient soutenir une démarche d’audit » conclut Éric Toussaint, « il faut en décrypter les raisons pour éviter que les abandons ne puissent se produire ailleurs. En Espagne par exemple ». L’espagnol Juan Laborda confirme la nécessité d’en organiser un, estimant notamment que « qu’il faudra sanctionner ceux qui n’ont pas su anticiper les risques ».

En fin de débat, un homme dans le public prend la parole. Il répond à Cédric Durand qui a lâché une comparaison entre le printemps grec et le printemps de Prague, assimilant la bureaucratie soviétique à la technocratie européenne « en plus d’être faux, ces raccourcis historiques ont pour effet de séparer les forces historiques et les forces naissantes que sont Syriza ou Podemos, au lieu de les agglutiner ».

Angélique Schaller (La Marseillaise, le 27 août 2015)

La dette ou la vie

Les dettes sont des armes pour contraindre les peuples à courber l’échine. Elles sont le prétexte à tous les renoncements. Il est donc fondamental de s’attaquer à elles de façon organisée et massive. Au printemps, le Député communiste Nicolas Sansu a porté le fer à l’Assemblée nationale. Auteur d’un rapport sur la dette française, son analyse est en phase avec le constat dressé par Attac. Mettre au cœur du combat progressiste cette question, c’est démontrer qu’il n’y a pas de fatalité. La réduction des investissements publics est justifiée par le fait qu’il faut payer la dette qui, du coup, justifie toutes les politiques d’austérité. Cela se traduit par un recul sans précédent des services publics. Concrètement : c’est moins d’écoles, moins d’hôpitaux, moins de transports publics, moins de tout ce qui fait société. Et c’est donc extrêmement dangereux.

Démontrer (et démonter) les mécanismes de la dette, savoir comment elle se fabrique (baisse d’impôts pour les plus riches, cadeaux fiscaux, taux d’intérêt exorbitants imposés par les marchés financiers, etc.) sont les moyens de reprendre la main de façon démocratique. Si le mouvement pour une annulation de la dette, notamment des pays du tiers monde, est ancien, il prend pied désormais en Europe et des convergences sont à l’œuvre. Convergences indispensables car en face, le monde de la finance ne se laisse pas faire.

Françoise Verna (La Marseillaise, le 27 août 2015)

Université d’été d’Attac. « Pour une monnaie européenne fondée sur la coopération »

le 26 août 2015

Université d’été d’Attac. « Pour une monnaie européenne fondée sur la coopération »

Dominique Plihon. Le porte-parole d’Attac s’est prêté lundi au jeu des questions-réponses avec nos lecteurs sur lamarseillaise.fr. Morceaux choisis.

Crise de la dette, controverses autour de la Grèce, de l’euro, préparation de la COP21, le porte-parole d’Attac Dominique Plihon a répondu aux lecteurs de La Marseillais au cours d’un chat d’une heure et demie en direct sur lamarseillaise.fr. Session de rattrapage pour ceux qui auraient manqué le rendez-vous.

Basta Europe. Comment Attac peut-être contre les politiques d’austérité sans vouloir sortir de l’euro ?

Dominique Plihon. Nous sommes favorables à l’idée d’un projet européen et d’une monnaie commune voire unique. Attac a toujours été opposée aux politiques néo-libérales menées en Europe et aux institutions qui les conduisent. C’est pourquoi Attac a pris une part importante dans le Non au traité européen en 2005 qui proposait une construction européenne néo-libérale. Nous pensons que la monnaie unique et la construction européenne peuvent être menées sur des bases différentes. À condition de pouvoir créer des mouvements de résistance et de lutte contre ces politiques et ces institutions et pour aboutir à une rupture par rapport au modèle européen actuel.

MF. Certains préconisent la sortie de l’euro. Que faut-il en penser ?

Dominique Plihon. Pour nous, la sortie de l’euro ne peut être un projet politique en soi ou un préalable à la reconstruction de l’Europe que nous voulons. Toutefois, nous n’excluons pas que les ruptures qui seront créées et que nous appelons de nos vœux aboutissent à une sortie de l’euro de certains pays ou de la totalité. Un exemple : le contrôle social sur les banques, que nous met- tons en avant se heurtera aux intérêts dominants et pourrait créer une crise politique conduisant à l’implosion de la zone euro. (...) Nous sommes favorables à une construction monétaire avec des monnaies locales, nationales, régionales et globales. De ce point de vue, l’euro, s’il est une monnaie unique ou commune peut constituer un progrès dans la construction d’une autre mondialisation. Aujourd’hui, par exemple, en Amérique latine, certains pays sont à la recherche d’une monnaie régionale commune symbole d’une coopération. La monnaie européenne que nous appelons de nos vœux ne peut fonctionner que si elle est fondée sur une coopération et une solidarité entre les pays européens... Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Méry Jean-Claude. Quelle citoyenneté en entreprise, en général ?

Dominique Plihon. La citoyenneté n’est pas compatible avec l’entreprise capitaliste dominée par le profit et ses actionnaires.

ZigZag34. Le débat croissance/ décroissance n’évacue-t-il pas la nature de ce qui doit croître/ décroître ?

Dominique Plihon. Il y a des domaines dans nos sociétés où les besoins ne sont pas satisfaits (santé, éducation, accès à l’eau...) qui impliquent que l’on produise plus et donc, des formes de croissance. En revanche, il y a de nombreux domaines où il y a sur-consommation, sur-production, sur-accumulation (trans- ports individuels, biens de consommation jetables, produits alimentaires néfastes...) pour lesquels une décroissance s’impose de telle sorte que globalement, lorsqu’on additionne ces deux domaines, nous pourrions vivre dans une croissance zéro, puisque les biens utiles croîtront quand les biens moins utiles décroîtront.

Gwen. On fait quoi pour fermer les paradis fiscaux ?

Dominique Plihon. Les États-Unis ont voté une loi qui oblige toutes les banques hors des USA à déclarer les fonds qu’elles reçoivent des ressortissants américains. C’est ainsi que le secret bancaire suisse a été mis à mal. Il faudrait que l’UE promulgue la même loi concernant les ressortissants européens. Ainsi, les gouvernements des pays les plus riches auraient toutes les informations pour traquer l’évasion et la fraude fiscales. Ceci doit être complété par des mesures judiciaires permettant de pénaliser la fraude et l’évasion, non seulement des particuliers mais aussi des dirigeants des entreprises et des banques. Attac a rédigé un livre noir des banques qui décrit en détails le rôle central des banques dans la fraude et l’évasion fiscales. Pour aller plus loin, nous avons organisé une campagne citoyenne de « fauchage des chaises » des banques responsables. Ces chaises symbolisent l’argent que les banques ont volé et qui leur seront restituées lorsqu’elles auront rendu l’argent du contribuable. Cette action symbolique a eu une répercussion importante dans l’opinion publique et devrait pousser les responsables politiques à prendre des mesures.

Grenoble. A votre avis, pourquoi des mouvements tels que Podemos ou Syriza ne connaissent-ils pas (encore) d’équivalents en France ?

Dominique Plihon. Je peux donner deux éléments de réponse partiels à cette question complexe. Premièrement, il y a en France une forte division à la fois dans le monde syndical et parmi les partis politiques progressistes. Deuxièmement, la question du lien entre le mouvement social et les partis poli- tiques n’a pas été résolu. Des forces comme Syriza ou Podemos, qui ont commencé comme des forces sociales, se sont transformées en forces politiques. En France, cela ne s’est pas encore produit.

Domger13. Certains ont tendance dans les rangs progressistes à jeter l’opprobre sur Tsipras à propos des événements en Grèce. Qu’en pensez-vous ?

Dominique Plihon. Tsipras fait face à une situation d’une grande complexité et il semble avoir la confiance de la majorité du peuple grec. Ceci m’oblige à rester modeste et à ne pas apporter une critique acerbe de son action, comme certains le font…

Nadia. Faites-vous des liens entre les batailles contre Tafta, l’austérité en Europe, l’évasion fiscale… et contre le réchauffement climatique ? Y a t-il des luttes plus importantes ou plus urgentes ?

Dominique Plihon. Toutes ces batailles et ces questions sont liées entre elles car elles ont la même cause : le système capitaliste productiviste, qui exploite le travail et la nature. Tous les moyens sont bons, dans ce système, de la pollution de la planète à l’exploitation des populations. Attac essaie de montrer les liens entre ces dimensions d'un même système qu’il combat. Pour nous il n’y a pas de hiérarchie entre ces campagnes puisqu’elles sont interdépendantes. Toutefois, le calendrier politique nous amène à mettre en avant a question du climat, objet de la COP21 de cette fin d’année, enjeu essentiel de l’avenir de l’humanité.

Charles Marx. C’est quoi pour vous le « coût du capital » ?

Dominique Plihon. Les élites politiques et financières mettent sans arrêt en avant le coût du travail pour justifier des politiques de rigueur et d’austérité destinées à augmenter les profits. Un certain nombre d’économistes ont, à juste titre, porté le débat sur le vrai coût du capital qui ne comprend pas uniquement le prix des machines mais aussi tous les coûts financiers subis par celles-ci du fait de la prédation exercée par les actionnaires et les financiers. On se rend compte alors que les entreprises sont beaucoup plus handicapées par ce coût exorbitant du capital que par les coûts salariaux.

La Marseillaise, le 26 août 2015

Université d’été d’Attac. Critique, lucide… mais pas désespérés

le 26 août 2015

Université d’été d’Attac. Critique, lucide… mais pas désespérés

Europe. La plénière d’ouverture a focalisé sur la Grèce, tirant les enseignements de l’échec tout en refusant la curée. Et de pointer que seul un mouvement de fond permettra le changement.

« L’espoir n’est pas mort, même en Grèce, même malgré toute cette déception » : Tanos Contargyris est militant d’Attac en Grèce. Hier, il a participé à la plénière d’ouverture de l’université d’Attac qui se déroule cette semaine à Marseille. Si le sujet est globalement l’Europe et si des représentants espagnols sont aussi à la table, le « cas » grec focalise l’attention. D’autant que, Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac, campe d’emblée le débat : « ce qui s’est passé a suscité un énorme espoir de rupture avec le libéralisme. Force est de constater l’échec. Quelles leçons en tirer ? Quel degré de radicalité faut-il avoir ? Reste-t- il un espoir ? »

Si le militant grec refuse le désespoir, il reste critique face à des « décisions qui n’ont pas été prises », « un gouvernement qui a abordé la question avec bonne foi » qui pouvait confiner à de la naïveté, l’empêchant de déceler la propagande de l’Eurozone, transformant ses « propositions inacceptables par cette Eurozone en absence de propositions » et de voir que le seul but des créanciers était « de renverser le gouvernement ». Un but qui connaît selon Tanos Contargyris un ultime sursaut dans la volonté de diviser la gauche radicale grecque. « Faut-il prendre parti pour l’un ou pour l’autre ? » interroge-t-il en faisant référence à Syriza et Unité populaire fondée par l’ex-Ministre Panayotis Lafazanis qui s’affronteront aux élections du 20 septembre. « Il ne faut pas tomber dans le piège de la division qui fait partie du plan de la troïka pour que l’expérience de gauche ne soit qu’une parenthèse en Grèce ». Tout au moins au niveau international car, en tant que citoyen grec, il sera amené à « se prononcer ». Et de croire en une « opportunité de rapprochement entre les deux partis » en novembre prochain, quand « le nouveau mémorandum arrivera à sa première échéance, que l’on constatera que les mesures inapplicables n’ont pas été appliquées et qu’il faudra renégocier ».

« Entrer en conflit avec les institutions européennes » Même refus d’une curée de la part d’Éric Toussaint du CADTM : « la responsabilité première de l’échec retombe sur les créanciers. Faire incomber la faute aux Grecs ou à Tsipras est une polémique que nous n’aurons pas ici ». Ce préambule posé, l’homme devient très critique, notamment parce qu’il pense qu’une « autre stratégie était possible ». Cette stratégie repose sur une philosophie –« entrer en conflit avec les institutions européennes »– et trois interventions. La première consistait à suspendre le paiement de la dette, seul argument introduisant un « rapport de force avec les créanciers qui n’ont rien à faire de tous les arguments démocratiques ». Comment ? En arguant d’un article d’un règlement européen signé en 2013 stipulant que « tout état sous ajustement réalisera un audit de sa dette ». Le deuxième point consiste à une mise en faillite ordonnée des banques –« véritable tonneau des danaïdes »– et enfin, car « pour faire face à la raréfaction prévisible des liquidités, il fallait prévoir une monnaie complémentaire ». Un scénario qui n’est pas sans rappeler celui « dévoilé » par Yanis Varoufakis, l’ex-Ministre de l’Économie démissionnaire après le référendum – mais selon Éric Toussaint, il n’aurait en fait été convaincu que… tardivement. L’audit, la négociation de la dette sont des options qu’envisagent aussi l’économiste de Podemos Juan Laborda même s’il précise que les économies grecques et espagnoles sont différentes, tant par leur taille que par la configuration de leur dette. Malgré ces différences, la purge imposée par l’Europe est identique, provoquant les mêmes effets : une dette publique gonflée pour avoir été sommée de rembourser des dettes privées, en l’occurrence issues de la bulle immobilière en Espagne.

« Ni le peuple grec, ni le peuple ibérique ne pourront relever seuls le défi »

Mais, prévient Pedro Arrojo, membre d’Attac Espagne et candidat de Podemos à Saragosse, « ni le peuple grec, ni le peuple ibérique ne pourront relever seuls le défi ». Et d’inviter l’ensemble des forces progressistes européens à marcher ensemble vers Bruxelles en octobre prochain, dans un cortège démarrant à Gibraltar. « Partout il faut dire oxi, basta, enough, assez ! » Une marche qui se terminera le 15 en encerclant symboliquement un sommet de l’Union européenne avant de se disperser pour rejoindre la conférence européenne citoyenne sur les dettes publiques organisée le lendemain par Attac toujours à Bruxelles, pour terminer, le 17 par une grande manifestation, le jour de la lutte mondiale contre la pauvreté. « Nous vivons des temps historiques de crise et de douleur » lâche Pedro Arrojo, « mais ce sont les douleurs de l’accouchement, pour la naissance d’un monde qu’on revendique comme possible depuis des années ».

Angélique Schaller (La Marseillaise, le 26 août 2015)

Un autre avenir est possible

Un air vivifiant souffle cette semaine à Marseille dans les travées et les amphithéâtres de la faculté Saint-Charles.

Ce n’est pas le mistral qui secoue et réveille mais les idées et les débats initiés par Attac qui y tient son université citoyenne jusqu’à vendredi. Le plus remarquable est cette appétence pour les échanges et cette volonté commune de faire avancer une autre conception du monde, basé non pas sur la cupidité et l’épuisement des ressources mais les solidarités et la fraternité.

La domination des marchés qui modèle jusqu’aux institutions mondiales et européennes mène dans le mur. Mais le choc n’est pas le même pour tous. L’oligarchie sait préserver et faire prospérer ses intérêts. Elle s’enrichit et ne travaille pas pour l’avenir, si ce n’est pour le sien.

Donc à très court terme. Celles et ceux qui subissent de plein fouet le système économique fondé, comme le souligne très justement Attac, sur la finance et la marchandisation, n’en peuvent plus. Les réponses à construire pour renverser la table sont en germes. Depuis trop longtemps diront certains. Et lorsque dans un pays, la Grèce, un peuple dit « non » à l’austérité et porte au pouvoir la gauche radicale, on mesure combien la résistance du système est violente. Cette violence est peut être un des derniers sursauts d’un modèle en bout de course. En changer, réclame de l’unité et de la solidarité internationale. Attac y apporte sa pierre.

La Marseillaise, le 26 août 2015